En complément à l'entretien qu'il nous avait donné, Daniel Bachet précise dans cet article comment penser les choix alternatifs aux différents niveaux de la gestion des entreprises.

On pourrait penser que les objectifs financiers résument aujourd’hui les actions prioritaires que les entreprises se fixent sur le court et moyen terme. Cependant, pour comprendre ce qui se joue précisément du côté des directions, il serait souhaitable, au préalable, d’identifier les règles économiques et les indicateurs de gestion qui orientent les choix des différents agents. Ce sont en effet ces règles et ces indicateurs ainsi que les rapports de pouvoir aux échelons opérationnels, tactiques et stratégiques qui structurent la prise de décision au quotidien ou sur le moyen et plus long terme.

L’entreprise dispose de personnels variés, elle regroupe des cadres, des techniciens, des employés, des ouvriers dotés de réelles compétences, mais lorsqu’il s’agit d’une grande société de capitaux, elle dépend de financements extérieurs et de la bourse. Cette grande société est souvent suspendue aux décisions aléatoires d’actionnaires lointains et volatiles. Or les actionnaires des marchés financiers ne sont pas investis dans un projet durable de développement d’activités cohérentes mais dans une stratégie de maximisation des revenus que leur procurent les dividendes et la plus-value apportée par la hausse de la valeur des actions.

Nous ciblerons dans cet article la logique plus entrepreneuriale, classique et moins financiarisée impliquée dans le projet de développement de l’entreprise tout en montrant les ambivalences de la manière usuelle de voir, de compter et de prendre les décisions. Il s’agit de signaler que plusieurs choix alternatifs sont toujours concevables lorsque les directions des entreprises sont conduites à prendre des décisions du plus court au plus long terme et/ou par grands domaines de gestion.

 

Mesurer la productivité dans le monde physique de la production des biens et des services

Dans le cadre des règles du jeu hiérarchisées qui guident l’action et la prise de décision dans l’entreprise, le premier niveau qu’il est convenu d’appeler « opérationnel » relève des opérations de travail conduites par les ouvriers, les techniciens, les cadres techniques, experts et producteurs. La recherche de l’efficacité dans les ateliers ou dans les usines signifie alors l’examen de la meilleure utilisation possible des ressources pour une production considérée. Ce sont des tableaux de bord « physiques » (quantité produites, heures machines, heures travaillées) qui sont utilisés mais également des indicateurs de performance prenant en compte des combinaisons socio-techniques et/ou socio-organisationnelles (plus ou moins grande autonomie et contrôle dans le travail). En terme économique, il est question de recherche de « productivité » c’est-à-dire d’un rapport output/input (produit/ressources).

Sur le principe, cette recherche dépasse la simple « productivité apparente du travail » dont la mise en œuvre est susceptible de produire des effets pervers. En effet, la volonté de réduire en quantité et/ou en qualité le seul facteur travail avec des indicateurs de type « nombre d’opérations chiffrées par personne et par jour » peut entraîner des effets non désirables tels que l’intensification du travail, les rebuts, défauts ou pannes mais surtout des troubles socio-psychologiques. La « productivité globale des facteurs » (PGF) qui prend en compte le capital fixe (machines) et la qualité des combinaisons socio-techniques agents/machines/organisation est alors considérée comme un indicateur plus large et moins réducteur. Le fameux rapport qu’Antoine Riboud avait remis à Jacques Chirac en 1987 (Modernisation, mode d’emploi, 10/18) avait contribué à populariser cette notion.

Dans un certain nombre de grandes sociétés comme BSN (Boussois-Souchon-Neuvesel) ou d’entreprises moyennes en France, le mode de calcul (qui recourrait à des indices de prix pour déterminer les volumes) consistait à comparer, entre années successives, l’évolution du ratio quantités consommées/quantités produites. Il y avait progrès de productivité d’une année à l’autre si l’entreprise avait moins consommé de facteurs, à production équivalente. Cet indicateur, popularisé par le Centre d’Étude des Revenus et des coûts (CERC), après avoir rencontré un certain succès dans les années 1970-1990, n’a pas connu le développement espéré. Durant les années 1990-2000, la PGF, tout comme la productivité directe ou apparente du travail ont été écrasées par des taux de rentabilité (que l’on retrouvera plus loin) qui faisaient de plus en plus descendre l’évaluation financière jusqu’au niveau des ateliers et du monde « physique » (quantité de matière utilisée et de biens produits). Ce sont ces taux de rentabilité qui sont sortis renforcés au détriment de la productivité globale des facteurs. 

La transformation de la société BSN en groupe Danone à partir de 1994 illustre bien l’internationalisation-diversification de l’entreprise et surtout sa financiarisation accrue dès lors que le groupe devait souscrire de plus en plus à des normes comptables internationales de type IRFS (International financial reporting standards). 

A cet égard et pour en revenir aux fondamentaux, la relation qui définit le plus précisément la mesure de la productivité se présente comme le rapport entre la mesure de la production (et de la transformation réalisée) en nature et la mesure des ressources utilisées en nature. On reste ici dans le monde physique des biens et des services dans lequel les mesures financières n’ont aucune place.

On peut par conséquent s’interroger sur les raisons qui ont conduit à faire, le plus souvent, du rapport chiffre d’affaires/effectifs l’indicateur utilisé pour mesurer la productivité dans l’entreprise. D’une part, le chiffre d’affaires ne mesure pas la richesse créée par l’entreprise (la richesse créée par l’entreprise n’est pas la production mais sa « contribution » à l’obtention de cette production, la valeur ajoutée en étant la mesure), d’autre part l’effectif du personnel n’est que l’une des ressources mises en œuvre. L’erreur vient de l’importance que « chiffre d’affaires » et « effectifs » ont pris au début du XXe siècle, quand se sont forgés les principes d’organisation et de gestion toujours en usage aujourd’hui. On perçoit immédiatement que l’amélioration de ce rapport peut conduire à des choix douloureux pour les salariés car si l’activité productive stagne, la réduction des effectifs sera très rapidement utilisée comme solution miracle. Ce qui est en cause, ce n’est pas la « productivité » en soi, mais de voir indûment nommer productivité un ratio de gestion dont les effets sont pervers non seulement pour l’analyse du travail mais aussi pour l’emploi. 

Les facteurs de valeur qui améliorent la productivité globale, conçue dans une perspective non réductrice, sont des caractéristiques qui influent, hors prix, sur l’attractivité des produits de l’entreprise (marchandises, biens ou services). Ils peuvent être fort nombreux : fonctions remplies, options possibles, personnalisation, singularités, innovations, qualité de la conception et de la réalisation, qualité de l’information, de l’accueil, du conseil avant-vente, du service après-vente, réactivité des départements techniques et commerciaux, délai court et respecté, image du produit, réputation de l’entreprise, etc. Les facteurs de valeur contribuent aussi, plus ou moins fortement, à justifier les prix demandés. Ils sont en conséquence déterminants pour les deux composantes de l’attractivité des produits : hors prix et prix. Ainsi, les liens entre le monde physique des produits et celui de l’économie des prix se transmet par les facteurs de valeur que véhiculent la productivité globale.

 

La compétitivité en question : agir au niveau tactique et marchand 

A un deuxième niveau, le monde technique de la performance physique et de l’utilisation des ressources pour une production considérée fait place au monde « marchand ». C’est celui de la « compétitivité » et de la conquête des parts de marché. Les systèmes de production font appel à « l’efficience » c’est-à-dire au couple moyens/résultats afin d’être en capacité de satisfaire les besoins des clients et des usagers. Cela suppose de passer des ateliers et des services connexes pour se situer au plan de l’entreprise toute entière, elle-même immergée dans le marché en amont des facteurs et en aval des produits. Il s’agit non seulement de bien produire mais de rentrer en compétition sur les marchés dans les meilleures conditions. Le rapport output/input cède alors la place à la mesure de la différence entre la valeur et le coût. Le « taux de marge » est la mesure adoptée pour évaluer la compétitivité, même si cette grandeur économique est discutable comme nous le verrons plus loin. Le taux de marge suppose de maîtriser les coûts mais aussi de valoriser le caractère innovant du produit, de sa qualité, de sa fiabilité ou de sa sécurité. Il est aussi question de « compétitivité prix » et de « compétitivité hors coûts » ou « hors prix ». Dès lors, la compétitivité globale de l’entreprise résulte de la maîtrise de sa compétitivité prix (maîtrise des coûts) et de sa compétitivité hors coût (organisation, innovation, etc.).

Sur un plan plus large, celui du système productif national, un certain nombre d’études, en particulier celles conduites par l’INSEE ont montré que l’industrie française a connu dans les années 1980-90 une productivité apparente du travail supérieure à l’industrie allemande mais une productivité globale inférieure. La part de l’industrie allemande qui s’est développée au détriment de l’industrie française peut donc s’expliquer par une meilleure compétitivité globale c’est-à-dire par une compétitivité hors prix supérieure (qualité des produits, innovation, délai, variété). Derrière cette compétitivité hors prix on retrouve les efforts engagés par les sociétés en matière d’innovation, de formation et d’amélioration des compétences des salariés.

Ce deuxième niveau n’est plus celui des agents opérationnels mais celui des cadres depuis les cadres managers jusqu’au directeur d’établissement qui agissent sur un registre « tactique » et sur une échelle de temps qui dépasse les opérations de travail du premier niveau en s’étalant au mois ou au trimestre. Ces cadres managers sont chargés d’organiser et de décliner les décisions stratégiques du troisième niveau, celui des directions, qui est à la fois industriel et financier.

 

Mesurer de la rentabilité : niveau stratégique et financier

Le troisième niveau relève donc quant à lui de la « stratégie » et incorpore des dimensions industrielles et financières. La dimension industrielle visant la pérennité et le développement de l’entreprise à travers la production et la vente de biens et/ou de services reste présente mais peut se trouver contrainte ou soumise aux exigences de la logique financière portée par les actionnaires des marchés. A ce niveau en effet, l’indicateur clef est le taux de profit qui renvoie à la rémunération des capitaux engagés par les actionnaires et les prêteurs. Autrement dit, il ne s’agit plus de ce que nous appelons « l’entreprise » c’est-à-dire la structure productive mais bien de la « société », entité juridique qui offre la possibilité aux actionnaires d’être propriétaires des actions et en conséquence de contrôler l’entreprise.

Compte tenu de ce que sont depuis plusieurs décennies les règles du jeu économique, social et politique, le rôle décisif de la logique de la rentabilité financière n’est plus à démontrer. Le niveau très élevé exigé de cette rentabilité peut peser fortement sur les investissements à venir et sur les capacités productives des entreprises (en réduisant l’innovation de produits et de services et en limitant les efforts en matière de valorisation des compétences par exemple). Pour les sociétés cotées en bourse, cette exigence de rentabilité est assurée par des investisseurs institutionnels, fonds de pension, fonds mutuels ou sociétés d’investissement qui imposent le cas échéant leurs normes de rentabilité à tous les agents économiques y compris et surtout aux dirigeants des grands groupes industriels et financiers. 

Deux indicateurs de rentabilité contribuent à fonder les analyses et les décisions stratégiques, techniques et commerciales. D’une part, le ratio bénéfice/ chiffre d’affaires, avec lequel est évaluée la rentabilité commerciale de l’entreprise. D’autre part, le ratio marge/ prix de vente, avec lequel est évaluée la rentabilité des produits. Or, le ratio bénéfice/chiffre d’affaires n’indique pas la rentabilité de l’entreprise. En effet, la rentabilité se définit comme le rapport entre un revenu et la ressource, ou l’ensemble des ressources que ce revenu rémunère. Quand on rapporte le bénéfice de la société aux capitaux engagés par elle, on dispose bien d’un indicateur de rentabilité, en l’occurrence le taux de profit de la société. Il n’en va pas de même quand on cherche à évaluer la rentabilité de l’entreprise – « du système-entreprise » – par le ratio bénéfice/chiffre d’affaires et cela pour deux raisons. Le bénéfice n’est pas le revenu de l’entreprise, c’est la valeur ajoutée. Et le chiffre d’affaires, la valeur des ventes de l’entreprise, n’est évidemment pas une ressource à rémunérer. Ce ratio n’est en fait qu’un « taux de marge ». Cette analyse n’est pas nouvelle. Dupont de Nemours l’a faite le premier au début du 20ème siècle. Il a montré, dans une relation célèbre qui porte son nom, qu’il faut multiplier le taux de marge par le taux de rotation des capitaux pour obtenir le taux de profit, et que ce dernier est le seul à mériter le qualificatif de « rentabilité ».

De même, le ratio marge/prix de vente n’indique pas la rentabilité des produits. La marge, ce qui reste après avoir déduit le coût de revient du prix de vente, peut certes être considérée comme un revenu. Mais elle dépend de la méthode utilisée pour déterminer le coût de revient c’est-à-dire des conventions choisies pour répartir sur chaque produit toute ou partie des charges de l’entreprise. Cela fait pratiquement un siècle que l’on cherche la méthode pour calculer le « bon » coût de revient : coût complet, coût direct, sections homogènes, imputation rationnelle, activity-based costing, etc. Quant au prix de vente, ce n’est pas une ressource à rémunérer.

 

Le niveau politique et sociétal

L’entreprise qui est à la fois une structure productive et une entité juridique (la société) n’est pas une unité institutionnelle fermée sur elle-même. Elle s’inscrit dans des ensembles locaux, nationaux et internationaux qui contribuent à les accompagner (fiscalité, aides accordées par les collectivités publiques, rapports avec les services publics, coopération avec d’autres entreprises) et des problèmes qu’elles sont susceptibles d’externaliser (création ou destruction d’emplois, nuisances écologiques). Le quatrième niveau est par conséquent celui de l’action politique et sociétale qui permet d’orienter et de réguler les règles économiques et sociales des entreprises. La fiscalité ou le montant des cotisations sociales par exemple sont des leviers d’action utilisés par l’État et par les collectivités locales pour jouer sur une attractivité du territoire par les coûts ou par la valeur du travail et des compétences. L’État à travers le législateur est en capacité également d’intervenir pour redéfinir (ou conserver) l’objet social, la raison d’être et la finalité institutionnelle de l’entreprise.

 

Refonder les indicateurs économiques pour retrouver des possibilités d’action 

Fondamentalement, les indicateurs de profit et de rentabilité courants ne permettent pas d’établir les liens entre d’un côté le monde physique de l’entreprise et des produits (structure productive) et de l’autre le monde économique. La façon de compter usuelle souffre d’une grave lacune, car elle est fondée sur une représentation du domaine économique dans laquelle « l’entreprise », au sens de structure productive, n’est pas présente. De ce fait, la « valeur ajoutée » qui représente la véritable contrepartie de la richesse créée par l’entreprise n’y tient aucune place, alors qu’elle conditionne pourtant la performance économique et sociale globale. Rappelons que la valeur ajoutée est, pour faire simple, la différence entre le chiffre d’affaires (la production de l’entreprise) et les consommations intermédiaires (achats des matières premières et des sous-traitances diverses comme les achats de pièces, les honoraires, etc.). L’évolution de la valeur ajoutée fournit une indication sur le potentiel d’amélioration des résultats d’une entreprise. On estime en effet qu’une entreprise dispose d’autant plus de marge de manœuvre que la valeur ajoutée est importante : une meilleure organisation du travail et une productivité améliorée peuvent orienter cette richesse vers un partage de la richesse produite (au sens de biens et de services). A l’inverse, une faible valeur ajoutée ne donne pas véritablement de marge de manœuvre. Une fois acquittées toutes les factures extérieures, il reste peu de richesse créée par l’entreprise.

Comme nous l’avons vu, dans le champ de l’entreprise (au sens de structure productive et d’entité juridique), la distinction entre les trois niveaux d’action (opérationnel, tactique, stratégique) trouve sa correspondance dans les mondes « physique », « marchand » et « financier » qui sont étroitement liés aux notions hiérarchisées de productivité, de compétitivité et de rentabilité. Ces niveaux sont à la fois cloisonnés et interdépendants mais les modes d’évaluation de l’efficacité productive et économique ne sont pas univoques et s’étalent sur des temporalités différentes : au quotidien pour les opérations de travail dans le monde physique des biens et des services et à moyen et plus long terme pour les actions relevant du monde marchand et du registre de la compétitivité.

Ainsi, les choix économiques et de gestion sont toujours construits. Il n’existe jamais qu’une seule approche possible de « la » productivité, de « la » compétitivité voire de « la » rentabilité dans la mesure où ces notions sollicitent des outils d’analyse et des modes d’évaluation effectuées par une diversité d’agents. Autrement dit, la productivité apparente du travail ou la productivité globale des facteurs, la compétitivité prix ou la compétitivité hors prix (ou en valeur) sont autant de modèles concurrents entre lesquels des arbitrages peuvent être opérés. Mais cela suppose de construire les outils de mesure les plus appropriés pour faire valoir tel ou tel modèle plutôt qu’un autre. Tout en étant conditionné par des structures, des institutions et des outils comptables, le triomphe exclusif d’un modèle économique, social et/ou écologique est souvent l’aboutissement d’un choix stratégique guidé par une manière de voir et de compter.

Si l’on adopte notre grille de lecture, il s’agit dorénavant de donner à « la valeur ajoutée » une place centrale dans les comptes de l’entreprise (qualifiés usuellement d’analytiques), ce qui conduit notamment à remettre en question la pertinence de la façon de compter traditionnelle. La valeur ajoutée est la grandeur économique à privilégier pour l’entreprise, laquelle est fonction de la « Valeur Ajoutée Directe » (VAD) apportée par chaque produit vendu ; le résultat d’exploitation en découle. Cette autre façon de compter s’applique tant au niveau analytique (produit/processus), qu’au niveau stratégique (développement par couple famille-marché) et qu’au niveau de l’entreprise (performance économique globale). Il est déjà possible dès aujourd’hui de mettre en place des comptes orientés valeur ajoutée ainsi que des outils d’aide à la décision faisant appel à de la modélisation, de la simulation et de l’optimisation, comme le propose par exemple Paul-Louis Brodier.

Quelle combinaison stratégique devrait être mise en œuvre pour relier les niveaux de pouvoir et les indicateurs économiques orientés valeur ajoutée ?

La combinaison productive et économique la plus efficace devrait au moins intégrer dans cette perspective :

-    La mise en valeur de « l’entreprise » comme unité institutionnelle (structure productive et entité juridique) et support de création collective orientée production et vente de biens et/ou de services,

-    Les logiques d’évaluation de la productivité globale et la prise en compte d’outils multicritères comme dans certaines activités de service (personnalisation, singularités, qualité de l’information, de l’accueil, du conseil avant-vente, du service après-vente, etc.),

-    Le positionnement sur le marché (compétitivité hors prix ou en valeur) qui renvoie vers des produits et des services à forte valeur ajoutée. L’enjeu est de viser une efficacité économique, sociale et écologique globale et non simplement un optimum financier,

-    Le partage effectif du pouvoir entre les salariés, leurs représentants et les directions dans les organes de gouvernement des sociétés (conseil d’administration ou conseil de surveillance, comité exécutif ou directoire) avec les actionnaires de contrôle. Le partage du pouvoir dans les organes de direction devrait ouvrir la possibilité d’un espace de délibération en vue de reconstruire les liens d’interdépendance qui unissent les trois niveaux d’action dans le champ de l’entreprise (opérationnel, tactique et stratégique).

Il est donc tout à fait possible dès aujourd’hui de décloisonner les niveaux d’action dans l’entreprise et de construire d’autres modèles d’efficacité économique et sociale. Cette approche permettrait de redonner toute sa place au travail réel et créatif comme capacité de produire mais également de pouvoir de l’activité de chacun (e) sur son activité. 

L’intervention des agents dans l’entreprise ne peut avoir du sens que par la maîtrise de l’activité de travail et par l’exercice d’un pouvoir socio-économique et gestionnaire dans l’ensemble de la vie professionnelle. Ce qui suppose la possibilité effective pour les salariés de participer à la définition des règles collectives, celles qui concernent en particulier les objectifs poursuivis par l’entreprise (finalité institutionnelle), les normes gestionnaires utilisées et à refonder (productivité, compétitivité, rentabilité) l’organisation du travail, les moyens mis en œuvre et l’évaluation de l’activité.

Plus généralement, la modification du rapport de forces symbolique entre partisans et adversaires de la pensée unique gestionnaire, axée pour l’essentiel sur des indicateurs de rentabilité financière, passe par la réussite et l’élargissement d’expérimentations socio-économiques alternatives. Des expériences enracinées dans un espace local mais qui, pour être efficaces, devront trouver des relais nationaux et internationaux.

 

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