Le travail continue de connaître des mutations importantes : les outils qu'il met en oeuvre, son organisation, comme ses formes de régulation évoluent.

La Fondation pour les sciences sociales lance tous les ans, depuis 2012, un appel à projets sur un thème défini et sélectionne alors douze chercheurs dont elle publiera les contributions sous la forme d’un ouvrage collectif. Le thème retenu pour l’année 2018 était celui des « Mutations du travail ». Il a donné lieu à l’ouvrage éponyme qui vient de paraître dans la collection Recherches à La Découverte. Ses douze contributions, que précède une introduction de François Dubet, sont regroupées en trois parties.

 

L’impact des nouvelles technologies sur les métiers

La première réunit des articles traitant des impacts des nouvelles technologies sur différents métiers. Les effets de la transformation numérique ne concernent pas que les travailleurs des plateformes, qui ont été beaucoup étudiés ces derniers temps, ce qui laisse énormément de champs à explorer. Yann Fergusson s’intéresse ainsi aux effets sur l’emploi et le travail de l’introduction de différents outils d’intelligence artificielle dans un grand groupe industriel, dans un article exploratoire qui passe en revue les principales interrogations que l’on peut avoir à ce sujet. Gwenaële Rot étudie les transformations du métier de chef décorateur au cinéma face à l’extension de la postproduction. Anaïs Théviot montre comment les outils de big data et les professionnels qui les promeuvent transforment désormais le travail politique. Enfin, Julien Gros s’intéresse aux travailleurs indépendants, dont le développement n’est pas non plus étranger à la transformation numérique, sous l’angle original des problèmes que ceux-ci posent aux statisticiens de l’emploi lorsqu’il s’agit d’en objectiver les caractéristiques et la mesure.

 

L’évolution des formes d’organisation et de management

Les quatre contributions suivantes traitent de modifications du travail induites par des formes particulières d’organisation et de management. Sébastien Petit scrute les évolutions du travail de conception résultant de la mise en place du lean management dans les bureaux d’études d’une grande entreprise française de construction de motorisations aéronautiques. Nadège Vézinat étudie les transformations de l’exercice de la médecine libérale dans le cadre des maisons de santé pluriprofessionnelles en plein développement, en menant son enquête auprès de la fédération qui les représente. David Mélo interroge les pratiques de management qui responsabilisent les salariés, du point de vue ces derniers, à travers deux entreprises opérant dans des secteurs très différents. Enfin, Arnaud Stimec cherche à dégager, à partir d’un échantillon d’entreprises ayant opté, là encore, pour le lean management, des conditions de réalisation favorables pour une mise en œuvre qui ne se traduirait pas par une dégradation de la santé et de la qualité de vie au travail, comme on le voit trop souvent.

 

Changements des règles… et des relations sociales

La dernière partie de l’ouvrage s’ouvre sur deux articles traitant des relations sociales. Dans le premier, Laurianne Enjolras présente, comme juriste, les conséquences possibles, côté syndical, des récentes évolutions des règles de la représentation et de la négociation collectives. Dans le second, un article parfois difficile à suivre, Jérôme Pelisse relativise l’idée que les négociations sociales aient beaucoup progressé en termes de contenu au cours des dernières décennies et aussi qu'il faille attendre grand-chose sur ce plan des évolutions récentes du Code du travail. Cela notamment parce que les directions d’entreprise, dont le pouvoir a été largement conforté dans les dernières décennies, par le contexte, mais aussi par la loi, ne le souhaitent visiblement pas. Ce qui était plutôt la position, explique-t-il, que pouvaient tenir les syndicats, par le passé.
L’avant dernière contribution est signée d’une économiste, Clémentine Van Effenterre, qui étudie à partir d’une importante base de données issues de deux enquêtes auprès des étudiant.e.s diplômé.e.s des universités publiques italiennes les différences de genre en termes d’aspirations professionnelles. Enfin, la dernière contribution, de Nicolas Belorgey, a trait aux mutations du travail de soin dans les cliniques privées, en cherchant à déterminer dans quelle mesure celles-ci sont liées aux opérations de concentration que connaît ce secteur, qui est ici bien décrit, et/ou à la résistance que peuvent manifester leurs salariés et/ou leurs représentants.

Au-delà des cas particuliers ici exposés, l'ensemble de ces contributions invite fortement à s'interroger sur le sens du travail, à travers les mutations importantes que celui-ci connait actuellement, comme l'indique François Dubet dans son introduction.