Une présentation de l'action de la BCE depuis la crise de 2007-2008, par une éminente spécialiste des banques centrales.

Invitée sur la chaire européenne du Collège de France pour l’année académique 2018-2019, Lucrezia Reichlin a fait son cours sur la Banque centrale européenne (BCE). Sa leçon inaugurale, qui vient d’être publiée par Fayard et le Collège de France, constitue une introduction remarquable, qui reste relativement accessible, pour comprendre l’action de la BCE depuis la crise financière, mais aussi les critiques que celle-ci a dû essuyer.

Si la réaction de la BCE à la crise de liquidité de 2007-2009 a pu être considérée comme un succès, les mesures qu’elle a prises ensuite pour faire face aux problèmes de solvabilité qui ont affecté de nombreuses institutions financières (et par contrecoup les Etats les plus faibles de la zone euro) ont rencontré un succès beaucoup plus mitigé. C’est le problème qu’a cherché à adresser l'« union bancaire », soit le nouveau système de réglementation bancaire à l’échelle de la zone euro mis en place en 2014 sous les auspices de la Banque centrale. Les actions de la BCE face à la crise des dettes souveraines ont été attaquées par des acteurs dénonçant le fait qu'elle sorte ainsi de son mandat, mais leur efficacité peut aussi être questionnée. Le « Programme pour le marché des valeurs mobilières » lancé par la BCE en 2010 et dans le cadre duquel celle-ci aura finalement dépensé plus de 220 milliards d’euros au total, n’aura eu qu’un effet limité sur les différentiels de taux souverains et n’aura pas empêché que la contagion finisse par gagner l’Italie et l’Espagne (après la Grèce, l'Irlande et le Portugal).

Le deuxième exemple d’intervention de la BCE sur les marchés d’obligations d’Etats, annoncé par Mario Draghi en juillet 2012 (à ne pas confondre avec le programme d'achat d'obligations appelé Quantitative Easing lancé trois ans plus tard), a rencontré davantage de succès. Cette annonce a en effet permis d’assouplir les conditions de financement des banques des pays périphériques, qui avaient été incitées à acheter de grandes quantités d’obligations souveraines nationales, et sans doute de sauver ainsi la zone euro, sans que ce nouveau dispositif n’ait jamais eu à être utilisé. Contrairement au premier programme, celui-ci avait bénéficié d’un accord politique entre les principaux pays, et ceci aurait alors expliqué cela.

Il est désormais admis que la BCE, outre la stabilité des prix, doive aussi se préoccuper de la stabilité financière. Mais parce que ses interventions auront alors nécessairement des impacts budgétaires, et non pas simplement monétaires, une plus forte intégration politique, passant par la mise en place d’une capacité fiscale commune, apparaît indispensable, explique L. Reichlin.

La table ronde qui a clôturé le cours a été l'occasion de discuter des avancées qui apparaissent encore nécessaires, au-delà des mesures et des dispositifs qui ont déjà été adoptés, pour conforter l'institution face aux crises futures.

L’ensemble des cours, tous accessibles en vidéos sur le site du Collège, complètent et développent ces aspects. Les trois premiers apportent des éléments de compréhension généraux et historiques, les suivants s’intéressent à l’histoire récente de la BCE et aux inflexions de sa politique depuis la crise financière.