Trois artistes témoignent de la manière dont les quatre C (Christianisme, Colonialisme, Communisme, Capitalisme) ont bouleversé la vie de leurs ancêtres.

* Cet entretien a été réalisé dans le cadre du partenariat de Nonfiction avec le festival Nous Autres de Nantes (14-16 juin 2019) qui réunit artistes, historiens, conservateurs et amateurs pour proposer une autre manière de faire de l'histoire. Retrouvez tous nos articles sur le sujet ici.

 

Trois artistes témoignent de la manière dont les quatre C (Christianisme, Colonialisme, Communisme, Capitalisme) ont bouleversé la vie de leurs ancêtres. Ils sont d’origines russe, vietnamienne et française. Un bouquet d’incursions sensibles, cruelles et pourtant souvent drôles, de l’histoire-monde dans la vie de chacun.

 

Nonfiction : Votre projet rassemble trois artistes du point de vue de leurs origines, toutes trois différentes. Comment est-il né et quel est son intérêt ?

Marine Bachelot Nguyen : Circulations Capitales s'ancre dans un voyage et une résidence à Saïgon, porte d'entrée d'un voyage dans nos mémoires familiales respectives (France, Viêtnam, Russie). Il s'agit de faire résonner les petites histoires avec la grande, en liant l'intime et le politique, en interrogeant les traces et cicatrices des grandes idéologies dans nos corps et nos esprits. C'est un projet qui soulève des questions « généalogiques ». Il peut amener chacun et chacune à interroger sa propre histoire et ses propres héritages familiaux, intimes, historiques et politiques.

 

         

 

Comment se figure sur le plateau la rencontre de ces trois personnages ?

Le point de départ, très simple, est celui d'une conversation entre amis, offerte au public. On invite ce dernier dans notre processus de création et dans notre salon de travail, qui devient la chambre de résonance où nous convoquons histoires, ancêtres, souvenirs, documents d'archive… Mais nous jouons avec le théâtre et avec nos fonctions respectives : une autrice-metteuse en scène et deux interprètes. Nous sommes tous trois sur scène, mais pas toujours aux mêmes places, car l'Histoire est aussi un théâtre, avec ses protagonistes : on s'amuse du talent théâtral des missionnaires ou des hommes politiques. On joue avec des icônes, des figures historiques ou familiales, dans des jeux d'esquisse ou de micro-incarnation, pour un théâtre-récit qui oscille entre épique et intime, conférence et jeu.

 

Quel est le sens porté par ce jeu théâtral ?

Circulations Capitales raconte combien nous sommes porteurs et porteuses d'ancêtres, d'héritages politiques, de forces et de blessures, d'histoires multiples inscrites dans l'histoire et la géographie mondiales. Le corps de chacun et de chacune comme chambre d'échos ou comme surface de projection, le corps de chacun et de chacune cherchant à se positionner dans l'histoire-monde.

 

La pièce est en plein processus de création et elle ne sera créée qu’au mois de septembre 2019. Quel état du projet allez-vous nous présenter à Nantes ?

Nous allons présenter une simple lecture de trente minutes, ce qui nous semble convenir au dispositif et à la scénographie du festival. L'enjeu est de partager et de faire entendre le premier chapitre du texte, de façon assez brute et nue. En revanche, dans le processus de création du spectacle proprement dit, nous travaillons déjà avec un début de dispositif scénographique, incluant des images vidéo, des objets. Nous faisons beaucoup d'aller-retours entre improvisations au plateau, écriture et réécritures du texte, interrogation des théâtralités que nous convoquons : c'est un processus passionnant, qui interroge aussi nos places respectives. Le spectacle complet sera en effet créé au Canal à Redon les 23 et 24 septembre prochains

 

Circulations Capitales. Lecture mise en espace d’une pièce de Marine Bachelot Nguyen en cours d’écriture, par Marine Bachelot Nguyen, François-Xavier Phan et Marina Keltchewsky.
Vendredi 14 juin 2019, 20h00, au Grand T, La Grande salle.

Marine Bachelot Nguyen est artiste en résidence à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon.

Bio : Marine Bachelot Nguyen est autrice et metteuse en scène, membre du collectif Lumière d’août basé à Rennes. Dans son travail, elle explore l’alliance de la fiction et du document, les croisements du corps et du politique, les questions féministes et postcoloniales. Elle a écrit et mis en scène Courtes pièces politiques (2006), Artemisia vulgaris (mise en scène, 2008), Histoires de femmes et de lessives (2009), La femme ce continent noir... (2010), À la racine (mise en scène, 2011), La Place du chien (2014), Les Ombres et les Lèvres (Viêtnam LGBT) au Théâtre National de Bretagne (2016). En 2018, elle réside à Saïgon et Grenoble pour Circulations Capitales. D’autres de ses textes ont été mis en scène par David Gauchard (Le Fils, 2017), Charlie Windelschmidt, Anne Bisang, Alexandre Koutchevsky, Hélène Soulié.