Complexe et chaotique : voilà une vision du Moyen-Orient fortement répandue en Occident. Forte d’une solide expérience de terrain, Robin Wright apporte des réponses dans son ouvrage Dreams and Shadows.

Correspondante de divers journaux depuis trente ans au Moyen Orient, Robin Wright propose un éclairage nouveau des rapports de force dans cette région. Le grand mérite de son livre, comme le souligne le journaliste Patrick Cockburn sur le site du New York Times, est de s’affranchir de la puissante force de gravité exercée par les turpitudes de l’armée américaine en Irak, pays qui concentre à lui seul une large partie de l’attention portée par l’Occident sur cette région du globe. Beaucoup moins médiatisés, les autres pays du Moyen-Orient ont pourtant été réellement bouleversés par la guerre en Irak, nous dit-elle. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent contre les régimes autoritaires d’Egypte, de Syrie ou d’Iran, et leur incapacité à se sortir de l’immobilisme.

L’idée centrale défendue par Robin Wright est la suivante : l’avenir du Moyen-Orient ne dépend pas seulement de la guerre en Irak. Et la journaliste d’énumérer de nombreux combats menés pour les droits civils et politiques au Maroc, au Koweït ou en Jordanie, pour ne citer qu’eux. Pour elle, ce ne sont plus les fondamentalistes qui décident du sort de la région, mais bien leurs opposants. Problème souligné par Patrick Cockburn dans son compte-rendu du livre : aucun d’entre eux (à deux exceptions près), n’est parvenu à prendre effectivement le pouvoir. Seules deux organisations ont réussi jusque là à remettre en question un pouvoir en place : le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban, soit deux mouvements religieux.

L’autre force du livre (également mise en lumière par Patrick Cockburn) est de pointer l’attitude pour le moins cynique des gouvernements occidentaux, au premier rang desquels figurent les Etats-Unis, dans leur opposition de voir leurs ennemis accéder au pouvoir, même de façon démocratique. Le boycott du Hamas après sa victoire électorale devant le Fatah de Yasser Arafat l’illustre clairement. Européens et Américains ont incité le Fatah à rejeter les résultats, entraînant ainsi la prise militaire de la bande de Gaza par le Hamas en juin 2007. Selon Robin Wright, il s’agissait pourtant de la défaite d’un gouvernement autocratique à l’issue d’élections parfaitement démocratiques, évènement sans précédent dans le monde arabe.


Robin Wright, Dreams and shadows. The Future of the Middle East, The Penguin Press, 464p, $26.95.

* Lire le compte rendu du livre par Patrick Cockburn dans le New York Times Book Review.

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Crédit photo (DR) : Flickr/Ahron de Leeuw : Gaza City, Palestine, in the tiny historical area called Gold Market.