Accompagné d'un CD, un Dictionnaire qui ne tient pas ses promesses, dont le ton partisan fait saillir encore davantage le manque de rigueur.

Le titre de cet ouvrage écrit par la journaliste Christiane Passevant et par l’historien et sociologue Larry Portis, tous deux auteurs d’un précédent livre consacré à l’histoire sociale de la chanson en France, affiche dès son titre la noble prétention de s’ériger en "dictionnaire". Sur 464 pages, 300 chansons (traduction en français assurée) sont examinées avec à l’appui une centaine de photographies des grands événements contestataires des sociétés occidentales du XXe siècle, des reproductions d’affiches et des couvertures de disques. Un CD de 12 titres a été joint au livre, avec comme interprètes Serge Utgé-Royo, Natacha Ezdra, Bruno Daraquy et la Compagnie Loie Môme. S’ils accordent la plus grande place à la chanson française, Christiane Passevant et Larry Portis ouvrent également leur travail à des œuvres venant des Etats-Unis, d’Espagne, de Belgique, du Royaume-Uni, d’Italie ou encore de Palestine, sur une période allant de la Révolution française au début du XXIe siècle.

Cet ouvrage peut-il prétendre occuper une place dans le renouvellement historiographique qui consiste à revaloriser la chanson en tant qu’objet politique ou culturel ? Autrement dit, le contenu du livre est-il à la hauteur de son titre ? Certainement pas. Nous sommes ici très loin de la rigueur universitaire et de la recherche historique qui réclament de ne pas confondre l’analyse avec le parti pris. D’obédience clairement anarchiste, cet ouvrage se conçoit en réalité comme un travail d’amateurs et de militants d’extrême-gauche affichant naïvement cette prétention de la musique à "changer le monde" à un moment où les chercheurs tendent plutôt à minimiser le pouvoir de l’art à "changer la vie". Prétexte à une diatribe anti-sarkozyste, occasion de diaboliser les effets du capitalisme, support à la cause palestinienne et aux sans-papiers, ce soit disant "dictionnaire" qui ressemble à un livre d’or de l’anarchisme veille à établir une parenté  entre des événements et des acteurs allant des révolutionnaires français de 1789 aux Américains noirs des années 1950-60, en passant par la Commune de 1871 ou encore la guerre d’Espagne de 1936. La confusion assumée de réduire toute forme d’engagement politique de la chanson au seul répertoire "gauchiste" montre à quel point la démarche envisagée revendique son identité libertaire et contestataire. Les commentaires qui constituent le cœur de ce livre n’apportent qu’un faible éclairage historique où les visions partisanes et archaïques se succèdent.

Il peut donc sembler regrettable de n’aborder la chanson que par le biais d’un militantisme qui confirme à sa manière la dimension politique de la composition musicale mais qui en enferme les manifestations les plus populaires dans un "champ partisan" faiblement éclairé et éclairant.


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crédit photo : iko/flickr.com