Une exploration des rapports entre religion et politique aux conclusions inquiétantes. Quand la religion dérive vers le fondamentalisme.
Après de nombreux séjours en France, des travaux d’histoire moderne (entre autres, une thèse sur la Ligue), et deux années d’ambassade (2000-2002), l’auteur est rentré en Israël et enseigne l’histoire de l’Occident moderne à l’université de Tel Aviv, tout en continuant à diriger le comité scientifique du musée de l’Europe à Bruxelles. C’est dire que nul plus que lui n’était qualifié pour nous exposer, en neuf brèves "thèses", une série de diagnostics, d’analyses, parfois de solutions (pas toujours, hélas) sur religions et politique dans ce Moyen Orient embrasé. Pour autant sa réflexion fait aussi sa part à l’Occident, trop peu parfois si l’on excepte quelques pages sur la laïcité "à la française", quelques allusions, à notre goût trop timides, à la Pologne des "ineffables jumeaux" ; sur les États-Unis de Bush ou sur l’Irlande, on reste sur sa faim…Dès son introduction, il qualifie la religion de "mot-valise" : le terme ne paraît guère heureux. Plus justes les distinctions qui suivent entre intégrisme et fondamentalisme, entre ce dernier et le fondamentalisme révolutionnaire, qui s’accompagne d’une lecture totalitaire de la religion.
Le livre devient beaucoup plus actuel et intéressant aux "thèses" (=chapitres) 7 à 9, quand l’auteur aborde le fondamentalisme juif, ses rapports avec l’État, et enfin le fondamentalisme révolutionnaire musulman (ou islamique ?). Il ne craint pas alors de stigmatiser les dérives du sionisme , montre très bien comment et combien l’État juif, après avoir été la chance du fondamentalisme révolutionnaire juif, fut sa perte. C’est avec la même fermeté, sinon sévérité, qu’il juge les palinodies et les lâchetés de l’Europe et des Nations Unies.
Ses dernières pages sont probablement les plus intéressantes, qui retracent l’évolution du fondamentalisme révolutionnaire musulman de Qotb aux Frères Musulmans, à Salman Rushdie et Djihad Momani, et surtout aux trois "ténors" d’Al Qaïda : Al-Zarkaoui (tué le 2 juin 2006), Nasir abas et Abou Hamza.
Les conclusions de ce petit livre sont bien peu rassurantes : si l’auteur refuse les thèses d’Huntington et sa guerre des civilisations, c’est pour montrer aussitôt après l’échec des deux modèles occidentaux d’intégration des minorités islamiques, le français et l’anglais (intégration ou multiculturalisme). On sent aussi sa peur devant l’aveuglement des dirigeants occidentaux (même Clinton), devant la percée des mouvements extrémistes radicaux aujourd‘hui (Danemark, Flandre, Norvège) comme hier devant les assassinats de Sadate et de Rabin. Le XXIe siècle sera-t-il donc pire que son prédécesseur ? Et si le fondamentalisme révolutionnaire se révélait demain pire que le nazisme et le stalinisme ?
Voilà un livre utile, pas forcément tonique, mais dont chaque page donne à réfléchir, "embarqués sur la même galère que nous sommes…tous…et avant tout Israéliens, Palestiniens, Libanais, Occidentaux et…autres." "E la nave va."
--
Crédit photo : cpurrin1 / flickr.com