Connu internationalement pour ses travaux de neurologie et ses best-sellers de cas cliniques, enseignant au Collège de Médecine Albert Einstein de Brooklyn depuis plus de 40 ans, Oliver Sacks vient d’être nommé par Columbia University à un poste taillé sur mesure. Selon la désignation officielle de l’université, il est, depuis le 1er septembre dernier, le premier "Columbia artist" (Lire l'article du New York Times ici).


Cette étonnante appellation tient d’abord à la nature originale des fonctions qui attendent le Dr Sacks et souligne le caractère créatif de sa mission, littéralement assimilée à de l’art. Pour autant, les détails de ses activités doivent encore être précisés par l’administration. L’intéressé déclare lui-même : "ma première année à Columbia va être, dans une certaine mesure, expérimentale !".

Issu d’une famille de médecins britanniques, Oliver Wolf Sacks grandit dans la banlieue nord de Londres avant d’obtenir son doctorat de médecine à l’Université d’Oxford (Queen’s College). En 1965, il s’installe définitivement à New York où il commence sa carrière d’enseignant et de praticien. Traduit en 21 langues, il n’a jamais cessé d’écrire sur les cas cliniques qu’il rencontrait : autisme, syndrome de la Tourette, perte de la proprioception (le patient n’a plus la sensation que son propre corps occupe l’espace) etc. En 2002, Rockefeller University lui a même attribué le prix Lewis Thomas qui récompense des scientifiques qui se sont particulièrement distingués en littérature. L’Eveil, son ouvrage le plus célèbre, raconte comment l’injection de la L-Dopa, dans les années soixante, permit aux patients atteints de "la maladie du sommeil" de sortir de la léthargie dans laquelle certains étaient plongés depuis plusieurs décennies, avant de sombrer dans des délires paranoïaques et d’être les sujets d’hallucinations   . Ce livre inspire Harold Pinter pour sa pièce Une sorte d’Alaska (1982) et Penny Marshall pour son film L’Eveil (1990) dans lequel Robbie Williams joue le rôle du Dr Sacks.


Lee C. Bollinger, président de Columbia, explique que : "cette nomination illustre les efforts de l’université pour rapprocher l’étude des neurosciences et les autres disciplines dans lesquelles les chercheurs travaillent pour comprendre le comportement humain, y compris l’économie, le droit et l’histoire de l’art". Le docteur Sacks pourra donc intervenir librement dans tous les départements de l’université.


A charge exceptionnelle, financement exceptionnel : 20 millions de dollars seront consacrés à l’étude des neurosciences dans une perspective interdisciplinaire. Un million par an sera spécifiquement dédié à la chaire du Dr Sacks, durant cinq années, grâce à la donation de la Gatsby Charitable Foundation. L’étude des neurosciences est devenue une priorité pour Columbia depuis la prise de fonction du président  Bollinger, en juin 2002. Ce dernier souhaitait faire de son université le pôle mondial de la recherche sur le cerveau et l’étude des comportements humains. Dans son action, Bollinger a trouvé un allié financier de poids : la fondation de l’avocat et philanthrope new-yorkais Jerry L. Greene, mort en 1999. En avril 2006, la fondation Greene  a fait don d’une enveloppe de 200 millions de dollars pour la création d’un centre interdisciplinaire voué à la recherche sur l’esprit, le cerveau et les comportements. Cette dotation est la plus importante reçue dans l’histoire de l’université et la plus généreuse jamais offerte à une université américaine pour la création d’un institut de recherche.


Ce nouveau centre portera le nom de son bienfaiteur et sera dirigé, entre autres, par deux prix Nobel, les docteurs Richard Axel et Eric Kandel. Il complétera enfin les infrastructures de recherche clinique déjà existantes : le Kavli Institute for Brain Science (science du cerveau), le Gatsby Initiative in Brain Circuitry (circuits cérébraux, plasticité), le Columbia Motor Neuron Center (neurones moteurs) et le Center for Theoretical Neuroscience (Neuroscience théorique)           


La nomination de Sacks à Columbia ne constitue donc que la phase la plus médiatique de ce programme qui consacre les neurosciences comme plateforme de réflexion commune à l’art et à toutes les disciplines scientifiques, humaines et sociales. 

 
 

Anthony Ballenato