« Un Chapeau de paille d'Italie » bien rythmé, bien resserré autour de cinq comédiens divertissants, comme on l'attend d'un vrai vaudeville.

Cette pièce de Labiche, jouée pour la première fois en 1851, est l'une des pièces les plus emblématiques du vaudeville : quiproquos, apartés, passages chantés, portes qui claquent, le tout sur fond de mariage et d'adultère. On n'est pas encore chez Feydeau mais on n'en est pas loin. La compagnie les Poulbots s'empare de cette pièce avec énergie. En plus de saluer le talent de l'ensemble des comédiens – un élément qui n'a l'air de rien mais qui semble parfois assez rare à Avignon et mérite par conséquent d'être souligné – on décernera une mention spéciale au décor, extrêmement bien conçu et qui permet des changements d'actes à la fois rapides et efficaces. Les comédiens n'hésitent pas à couper ou à abréger la pièce pour en resserrer l'intrigue, tout en restant fidèles à l'esprit comme à la lettre : les passages chantés, souvent évités dans les mises en scène contemporaines du théâtre de boulevard, sont ici pleinement intégrés à la pièce.

 

Une dramaturgie du cercle

L'intrigue proposée par Labiche est entièrement circulaire. Qu'il soit permis de la résumer ici à gros traits : le jour de son mariage, Fadinard, rentier de Paris, doit courir dans toute la capitale pour trouver un chapeau de paille d'Italie afin de remplacer celui que son cheval a mangé le matin même, le tout pour fournir un alibi à une femme adultère redoutant la jalousie de son mari.

 

 

Après avoir cherché l'objet partout, en vain, ce qui l'entraîne dans tout un tas de situations impossibles, Fadinard, à mi-chemin entre un d'Artagnan cherchant le collier de la reine pour sauver Anne d'Autriche et un Figaro tentant désespérément de conclure son mariage, se rend compte qu'il en avait un chez lui depuis le début, glissé dans ses cadeaux de mariage. Tout en parodiant finement le motif de la quête chevaleresque, puisque le héros cherche un objet pour sauver l'honneur d'une dame, la pièce se fait également métaphore du désir amoureux, qui voit le héros courir partout à la recherche de ce qu'il a toujours possédé.

 

De l'art des enchaînements

Les comédiens jouent pleinement de cette circularité et la redoublent sur scène en interprétant chacun plusieurs personnages. Camille Ludig incarne ainsi à elle seule les cinq rôles féminins de la pièce, ce qui impose parfois des changements de costume pour le moins acrobatiques, tant les répliques s'enchaînent. De même que les décors changent en étant retournés, un porte-manteau devenant soudainement un lampadaire, de même les comédiens se font polymorphes, un domestique devenant le cousin collant de la mariée. Ce choix avant tout pragmatique, imposé par la nécessité de limiter le nombre de comédiens, devient un vrai choix scénique qui conduit à brouiller les personnages. Tous deviennent autant d'opposants qui s'interposent entre Fadinard et l'objet qu'il convoite. La quête du chapeau se fait également poursuite : à chaque fois, Fadinard est rejoint par sa noce, qu'il entraîne partout dans Paris, et en particulier par son beau-père, de plus en plus ivre. Au point que, parfois, on ne sait plus très bien s'il cherche à trouver un chapeau ou à fuir sa belle-famille…

 

 

Comme toujours dans le vaudeville, tout finit bien. Chapeau retrouvé, jaloux éconduit, femme rassurée, beau-père apaisé… et public ravi, qui sort avec le sourire aux lèvres.

 

Les coordonnées du spectacle sur le site du festival off.