Catalogue de l'exposition Pierre Paulin au Mobilier national jusqu'au 27 juillet. Rétrospectives de commandes émanant de Georges Pompidou et François Mitterrand.

Le modeste ouvrage (à peine 100 pages), qui fait office de catalogue de l’exposition proposée au Mobilier national jusqu’au 27 juillet aborde le travail de Pierre Paulin sous divers aspects.

Si son titre "Le Design au pouvoir" est commandé par la fonction de l’ouvrage, il n’est pas seulement question de l’exploration des relations entre un designer, sans doute le premier Français à être dénommé ainsi, et la commande émanent de successifs chefs d’Etat. En revanche, l’ouvrage qui rend compte des commandes publiques que Paulin honora, s’attarde également sur la spécificité du travail de Paulin et, en creux, sur son caractère "français", qui le transformera en icône de la modernité hexagonale des 30 glorieuses.

En guise d’introduction, l’essai de l’historienne de l’art Catherine Geel illustre, par un double éclairage (points / contrepoints), la petite et la grande histoire des prestigieuses commandes faites à Paulin : l’aménagement de l’appartement privé des Pompidou à l’Elysée et la conception du mobilier de bureau pour François Mitterrand. La première procède d’une amitié entre Malraux et Jean Coural, administrateur du Mobilier national (de 1963 à 1991) alors que le premier nomme le second avec l’objectif de faire de l’institution héritière un lieu de création et de modernité. Le succès remporté par le stand français à la Triennale de Milan (dont il sera question, pour s’en féliciter – apprend-t-on - au Parlement en novembre 1964) amorce une ambitieuse politique de collaboration entre le Mobilier national et quelques-uns des grands "architectes décorateurs" de l’époque tels Mourgue, Paulin, Tallon, Motte ou encore Guariche qui aboutira, en 1969, à la commande à Pierre Paulin de l’aménagement des appartements des Pompidou à l’Elysée. L'ambition est d’en faire une vitrine de la créativité française.

Pompidou l’avait bien compris, et la presse lui donna raison, l’aménagement de son cadre de vie par un créateur contemporain – et dans un style alors avant-gardiste - allait frapper les esprits et infuser un peu de modernité dans l’image de la France. En revanche, la commande du mobilier du bureau de François Mitterrand résulte, quant à elle, de l’amitié entre l’épouse du chef de l’État et une conservatrice du Mobilier national… Contrairement à toutes attentes, il n’y a pas ici de raisons politiques qui motivent la commande alors même que les années 1980 voient éclore les deux grandes figures du design français, Philippe Strack et Andrée Putman, qui contribuent à la reconnaissance – et la validité économique - d’une discipline jusqu’alors marginalisée.

En revanche, Valérie Guillaume, conservateur au Mnam-Centre Pompidou, instale Paulin dans la réalité nationale et internationale de l’époque et stigmatise "cette aventure très française du siège en mousse recouvert de tissu". C’est en effet cette particularité bien française qui tranche avec le design américain de l’époque et celui, alors dominant, scandinave que Paulin apprend à connaître au cours de nombreux voyages en Suède et Finlande, qui en constitura rapidement la signature. De ces recherches pour des pièces isolées (fauteuil, ou chaise) naîtra l’environnement fluide et feutré imaginé pour les Pompidou, détaillé pièce par pièce, du Fumoir à la Salle à manger, par d’intéressantes notices.

Les meubles imaginés pour le bureau du président Mitterrand paraissent aux antipodes de ceux imaginés pour son lointain prédécesseur : rigides, sévères et faisant référence à des formes déjà connues, voulues par le Président lui-même qui, comme le révèle Paulin dans l’ouvrage, "avait un besoin de rapport à la tradition".

Ce basculement de style brouille les cartes pour qui veut connaître le vrai "style" de Pierre Paulin. Un indice cependant, des croquis effectués en 2006 et reproduits en guise de conclusion illustrent un retour aux créations des années 1960, marquées de formes souples et illustrant à nouveau ce qui est aujourd’hui la tradition française du… "du siège en mousse recouvert de tissu".


Lien :
> Infos sur l'exposition jusqu'au 27 juillet.


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crédit photo : psychofish/flickr.com