Qui trahit qui dans ce triangle amoureux? La pièce, elle, reste fidèle à son auteur Harold Pinter. A voir sans hésiter.
Presque quarante ans se sont écoulés depuis qu'Harold Pinter a écrit Trahisons, mais la pièce n'a pas vieilli d'une minute, comme le prouve la belle mise en scène qu'en propose la Compagnie les 13 rêves . De Pinter, on retrouve l'écriture acide, l'humour noir et grinçant, la tension dramatique posée dès les deux premières phrases et qui ne s'allègera jamais. Ecrite comme une mécanique implacable, qui déroule à l'envers le fil d'une histoire d'adultère, de la rupture à la rencontre, la pièce est sobre, toute en pudeur : les sentiments forment évidemment le cœur de la pièce – désir, amour, jalousie, tristesse, regrets – mais d'une façon discrète, comme en demi-teinte, ou en demi-ton.
Car la trahison n'est pas là où on l'attend : c'est en effet l'amant qui est « trahi » lorsqu'il apprend que le mari, qui est aussi son meilleur ami, était au courant depuis des années de sa liaison avec sa femme. D'où le décalage, si typique de l'écriture de Pinter : c'est l'amant qui insulte le mari ! Il faut préciser ici que la pièce est largement autobiographique, inspirée par la liaison que Pinter eut avec une journaliste dans les années 1960.
La scénographie est à l'unisson : sobre, élégante, harmonieuse. Le décor se modifie par petites touches : une table devient un bar, puis un canapé, un lit, un lavabo. On soulignera en particulier la qualité des transitions, avec une belle musique classique composée par Elise Cociuban. Les trois jeunes comédiens livrent une performance parfois inégale en intensité – les premières scènes, notamment, sont un peu raides – mais globalement très juste et très forte. Julien Croquet est particulièrement bon dans le rôle de Terry, l'amant, impeccable dans ce dilemme amoureux : posséder la femme ou être honnête avec son meilleur ami ? Eve Stièvenard et Rémy Bottin ne sont guère en reste : avec un jeu tout en retenue qui sait laisser une place aux silences et aux non-dits, et une diction impeccable – « je crois que j'ai cru que tu savais que je savais ! » lance le mari à l'amant –, les comédiens livrent une belle interprétation à la hauteur du style pintérien. C'est donc une belle leçon de fidélité à l'œuvre de Pinter
Trahisons
De Harold Pinter
Mise en scène par Rowena Cociuban
Aux Ateliers d'Amphoux du 7 au 30 juillet à 11h45.
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Tournée :
Fin septembre et début octobre,Trahisons sera jouée à Nice, au théâtre La Semeuse.