Le recueil La littérature marque des buts : une anthologie footbalistique, sous la direction de Stéphane Chommienne, prouve, à travers la voix de grands écrivains, que l'amour des mots et du ballon rond ne font parfois qu'un.

Qu’on en finisse avec l’opposition pénible entre le corps et l’esprit, le joueur de foot et l’intellectuel, la presse populaire et la littérature, dès lors qu’il s’agit de parler de ce qui se déroule dans les stades ! Nous avons toutes les (bonnes) raisons de penser que ces antagonismes ne conduisent qu’à des erreurs d’interprétation de ces phénomènes, bientôt rangés du côté de la vulgarité, des foules inconscientes et des attitudes formatées.

C’est ce que vient nous rappeler La littérature marque des buts   , un recueil d’extraits de textes littéraires (romans, nouvelles, poésies) portant sur le foot, les joueurs, le public, les stades... Les extraits sont choisis avec mesure, évitant la péjoration trop connue comme le débordement lyrique d’une littérature journalistique exaltée autour de l’idiolecte footballistique.

On découvre comment de grands écrivains ont pris au sérieux l'univers footbalistique, comme Albert Camus, Jean-Philippe Toussaint, Céline, Philippe Delerm, Pier Paolo Pasolini, et bien d'autres. Alors que Camus précisait, pour son époque : « Vraiment, le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et des scènes de théâtre, qui resteront mes vraies universités » (et il faut relever que La Peste se déroule pour partie dans un stade) ; Pierre Maurois relevait qu’une « belle partie, c’est de l’intelligence en mouvement » (ce que dit aussi, mais autrement, Philippe Soupault) ; Marguerite Duras expliquait que « le terrain de football, cet endroit où jouent les joueurs, où ils sont enfermés, c’est un théâtre que les spectateurs regardent [...] » ; Pasolini y voit des moments sublimes, comme Vladimir Nabokov à l’égard du gardien de but, mais Toussaint se désole du geste de Zinédine Zidane.

Certes, un autre ouvrage, référé aussi – Football et littérature, anthologie de Patrice Delbourg et Benoît Heimermann   –, avait déjà dépouillé le terrain, mais ce nouveau recueil apporte de nouvelles pistes de réflexion. L'ouvrage creuse ainsi la question des rapports interculturels (les écrivains choisis le sont dans la littérature mondiale), ainsi qu'une réflexion sur la bipolarité du foot (vecteur de citoyenneté et témoin de la violence), quand il n’est pas un des vaisseaux amiraux de la déréglementation ultralibérale. Est également abordée l'omniprésence (encore) masculine dans l’écriture sur le foot.

Ce petit ouvrage propose ainsi une réflexion originale sur le phénomène foot dans ses divers aspects. Et peut-être sera-t-il d'un grand secour aux enseignants qui peinent à intéresser leurs élèves à la littérature !

 

La littérature marque des buts : Une anthologie footbalistique

Stéphane Chommiène (dir.) 

Folio

240 p., 8,20 euros