Ecrit pour la radio, ce nouvel « Eté avec… » est l’occasion de redécouvrir un génie plein de contradictions.
Divisé en courts chapitres, le livre de Laura El Makki et Guillaume Gallienne, constitue une introduction intéressante à l’œuvre de celui qui rêvait d’être « Chateaubriand ou rien ». Romancier, poète, dramaturge, pamphlétaire, académicien, pair de France, député, Victor Hugo est d’abord royaliste, avant de devenir républicain. Il incarne alors l’idéal de progrès de la gauche en combattant toutes les injustices (peine de mort, esclavage, travail des enfants) et en militant pour l’éducation laïque, qui est d'après lui une solution pour faire reculer le crime. C'est également un ardent défenseur de la création des « Etats-Unis d’Europe » dès 1849.
Ce livre explore la légende hugolienne et ses grandes figures, la nuit de noces avec Adèle, Juliette Drouet, la maîtresse dévouée, mais également l’exil et les funérailles, le 1er juin 1885 qui rassemblèrent 1 million de personnes. Son cercueil fut exposé sous l’Arc de Triomphe avant d’être porté au Panthéon, mais son corps fut placé dans le « corbillard des pauvres », selon ses dernières volontés. En plus de revenir sur ces célèbres éléments biographiques, l’ouvrage nous révèle des facettes moins connues de Hugo : son talent de dessinateur, ses rapports complexes à la musique, à la mer, à la peinture avec Delacroix et au Parnasse avec Gautier. L'ouvrage nous fait découvrir un homme pétri de contradictions. Hugo milite pour le droit des femmes, mais paie des jeunes filles à la fin de sa vie pour ses derniers exploits sexuels qu’il consigne selon un code précis dans un carnet (comme le faisait Sade dans son Journal à Charenton). Sa devise « Ego Hugo » peut expliquer la boutade d’André Gide en réponse à la question de savoir qui était le plus grand poète français : « Victor Hugo, hélas ! ».
Ce petit volume est donc une bonne entrée dans ce monument littéraire qu’est l’œuvre-vie de Hugo. Celle-ci apparaît comme un fanal dans le monde obscurci qu’est le nôtre, ainsi que le rappelle l’historien Patrick Boucheron dans sa leçon inaugurale au Collège de France. Il y cite également un extrait des Misérables, qu’il a vu noté sur un cahier déposé Place de la République, au pied de la statue devenue mémorial pour les victimes des attentats de 2015 : « Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ». Nulle doute, Hugo est toujours bien vivant et actuel. Et malgré une certaine autoglorification, cet homme océan qui n’avait pas peur d’employer des mots plus grands que les choses, nous rappelle au bon moment les idéaux qui, il n’y a pas si longtemps encore, définissaient la gauche, et semblent avoir disparu corps et biens.