Le Salon du livre de Paris s'est achevé hier, enregistrant une baisse de fréquentation par rapport aux deux années précédentes, annoncée par communiqué de presse et relayé par tous les médias : 165 300 visiteurs en six jours, soit 8 % de moins qu'en 2007, et 5 % de moins qu'en 2006. L'AFP rapporte encore que c'est surtout le nombre d'entrées payantes qui est en baisse, reculant de 17 %, alors que le gros des visiteurs est venu des milieux scolaires (+ 14 % - entrées gratuites), grâce à une forte mobilisation du corps enseignant. Cette baisse de fréquentation est significative ; c'est le score le plus faible enregistré par le Salon depuis 1994, depuis qu'il est revenu porte de Versailles après quelques années au Grand Palais. Seule exception : quand la Russie avait été invitée d'honneur en 2005.

Alors bien sûr la presse s'interroge : cette dégringolade est-elle due à son invité d'honneur, Israël, et la polémique qui a entouré cette édition du Salon du livre, ainsi qu'au boycott des pays arabes ? Il est vrai que les conditions d'accès au Salon étaient particulièrement difficiles, en raison des mesures de sécurité renforcées. D'où files d'attentes interminables, d'où probable découragement du public venu là. On peut penser que l'inauguration houleuse par Shimon Peres, qui avait vue se dérouler des mouvements de foule incontrôlés et dangereux   , ainsi que la (fausse) alerte à la bombe de dimanche 16 mars ont dissuadé les lecteurs dilettantes, permettant un recensement quasi-exhaustif des amoureux fous du livre.

Malgré cela, les stands du Pavillon d'honneur ont connu un succès record, avec plus de 21 000 ouvrages vendus, et une très forte affluence lors des rencontres et débats. Les célébrités du livre ont également su tirer leur épingle du jeu, comme Anna Gavalda, ou Art Spiegelman, figure majeure de la BD américaine, qui présentait ici son dernier album en avant-première mondiale. Et pourtant les éditeurs, selon ce que rapporte la République des Lettres, "enregistrent globalement des chutes de leur chiffre de vente de l'ordre de 10 à 20% par rapport aux années précédentes".

Au-delà de la polémique et de la politisation de l'événement, certes rédhibitoire, il faut remarquer que la fréquentation du Salon entre 2002 et 2003 a franchi un seuil, passant d'une audience stable autour de 220 000 entrées à 180 000 entrées, soit 18 % de moins, tendance qui s'est depuis également stabilisée. Était-ce pour des raisons politiques que les visiteurs ont boudé l'édition 2005, consacrée à la littérature russe, autant qu'ils ont délaissé celle-ci ? Est-ce l'absence de polémique nationale qui a conduit plus de 210 000 personnes à visiter les éditions consacrées aux États-Unis, au Japon, à l'Allemagne, à l'Italie ? En cas d'alerte à la bombe, on envoie les enfants d'abord ?

Outre la littérature israélienne, le lieu fort de ce Salon était l'espace Lectures de Dem@in, lieu de rencontres et de débats consacrés à l'édition numérique. On a vu s'y dérouler le lancement de Gallica 2, une extension expérimentale d'un an du projet Gallica de la Bibliothèque nationale de France, son projet de numérisation des ouvrages tombés dans le domaine public. Avec Gallica 2, la bibliothèque s'étend au domaine contemporain en proposant des livres numérisés récemment, ou directement publiés sur internet, grâce à des partenariats avec des éditeurs en ligne. Suivant les "e-distributeurs" et les livres, il sera possible d'en feuilleter les pages gratuitement, de les acheter (format numérique ou papier), de les louer pour une durée déterminée... Voir également, pour aller plus loin, un rapport par Club Sénat sur Les nouveaux supports d'opinion (livre, presse et médias audiovisuels à l'heure des réseaux)   .

Prochain invité d'honneur : le Mexique. L'Égypte ou la Turquie pourraient quand à eux être à l'honneur pour la mouture 2010.


Voir sur nonfiction.fr :
> Entretient avec Benny Ziffer, directeur du supplément littéraire du journal israélien Haaretz, à l'origine de l'appel au boycott de ce Salon.
Et sur BibliObs :
> Panorama de ce qu'Israël a à offrir en littérature.
 

* À lire également sur nonfiction.fr :

- le dossier sur le Salon du livre de Paris 2009.



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