Associations, coopératives, « entreprises libérées »... : un tour d'horizon d'organisations du travail à l'approche bienveillante. 

Depuis plus de vingt ans, les sociologues qui s’intéressent à l’homme au travail nous ont habitués à l’analyse de la souffrance, du harcèlement, de l’épuisement (burnout) voire du suicide ou de la mort par surcharge de travail (karoshi). 

Le point de vue de Jacques Lecomte est très différent. Il nous offre une large recension des organisations qui fonctionnent en faisant confiance aux hommes – à commencer par leurs salariés – et qui cherchent à rendre ces derniers heureux en s’appuyant sur des sentiments nobles comme l’altruisme, la bienveillance et la fierté d’être utile aux autres. Cette approche est sous-tendue par la psychologie positive, qui se présente comme une démarche scientifique étudiant « les conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement et au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions »  

Jacques Lecomte procède à une  recension très large des organisations dont les dirigeants ont choisi de fonctionner selon ces principes. Une conception des relations interpersonnelles fondée avant tout sur la confiance, et qui a des conséquences concrètes sur l’organisation du travail, la place et le rôle de la hiérarchie – notamment des managers de proximité – et la motivation des collaborateurs. Par exemple, de nombreuses études  montrent  que l’argent n’est jamais le premier facteur de motivation, que ce soit pour les dirigeants ou pour les salariés. Pour s’engager, s’impliquer pleinement et être heureux au travail, l’individu a besoin qu’on lui fasse confiance, que ses chefs et ses collègues valorisent ce qu’il fait, et que ses compétences — qu’elles soient « pointues » ou modestes — soient reconnues. Dans ce contexte, il développe une « motivation intrinsèque » très forte, alors que « lorsque l’argent est utilisé comme récompense extérieure d’une activité, les sujets perdent leur motivation intrinsèque ».

Les statuts juridiques et les formes organisationnelles des collectifs de travail « humanistes » appliquant des principes de confiance et d’altruisme sont nombreux : associations à but non lucratif, coopératives, mutuelles, entreprise à but social… auxquels il faut ajouter les collectifs ayant une forme juridique ordinaire, SARL, sociétés anonymes et autres,  qui innovent de façon parfois révolutionnaire, comme ces « entreprises libérées » qui ont supprimé toute hiérarchie et donné aux opérateurs de base une grande autonomie et la maîtrise totale de leurs rythmes et de leurs méthodes de travail. Sans viser une impossible exhaustivité, Jacques Lecomte présente de façon claire les principaux types d’organisations humanistes. Il n’entre pas dans la discussion de leurs avantages et de leurs limites. On sait qu’il existe des controverses sur les pratiques managériales et commerciales de certaines entreprises de l’économie sociale et solidaire, et que la polémique est vive autour des « entreprises libérées ». Mais le format du livre ne permettait sans doute pas de se risquer dans ces débats.

L’ouvrage présente également des pratiques permettant de régler sans conflit ouvert, en faisant confiance à la négociation et au compromis, des opérations parfois très complexes, comme l’assainissement du Rhin, qui était dans les années 1980 « le plus gros égout du monde » et qui, quinze ans plus tard, était redevenu limpide. Il montre aussi tout ce que peut apporter et faire gagner la médiation dite « horizontale », grâce à laquelle deux parties opposées réussissent à construire un compromis satisfaisant grâce à un médiateur qui n’impose rien mais aide les adversaires à trouver une solution. 

Soulignons enfin le nombre et la qualité des études empiriques mobilisées pour illustrer chaque thème traité

 

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