Dans cette nouvelle chronique Culture Publique, des acteurs de la gestion de la culture analysent l’actualité des politiques culturelles, en la resituant dans les grands enjeux qui conditionnent  la valorisation des biens culturels en 2016. Aujourd’hui, Delphine Blétry interroge une décision du Centre national du Livre (CNL) en vertu de laquelle les organisateurs de manifestations soutenues par le CNL devront désormais rétribuer les auteurs qui participent à ces rencontres, sur une grille minimum allant de 150 à 400 euros.


Le Centre National du Livre (CNL) a diverses missions de soutien de l’industrie du livre : l’une d’elle est d’allouer des aides financières à des manifestations mettant en valeur le livre et la lecture. Depuis une décision d’octobre 2015, toute manifestation soutenue par le CNL devra rémunérer ses auteurs. Cette mesure prend effet dès la première commission de 2016, prévue le 23 février. Les dossiers de candidatures ne proposant pas de rémunération ne seront pas retenus ; les manifestations choisies qui rémunéreront leurs auteurs verront, elles, leurs aides augmenter.


De quoi parle-t-on ?


En 2014, le CNL a consacré 2,23 millions d’euros aux manifestations littéraires, soit 9,2 % de son budget d’intervention. Ces aides ont des montants ajustés à chaque manifestation, selon le budget prévu pour les activités littéraires (frais de déplacement, d’hébergement et de rémunération des auteurs, traducteurs, interprètes, animateurs de rencontres et de débats). Le montant de l’aide ne peut excéder 50 % de ce budget.

Pour les festivals et salons soutenus par le CNL n’appliquant pas encore la rémunération des auteurs, ce budget devra augmenter ; cependant le CNL promet que le montant des aides lui aussi suivra cette hausse. Ainsi la Foire de Brive qui a lieu au mois de novembre, s’adapte dès 2016 et recevra 7 000 euros supplémentaires, soit 30 000 euros au total.

Comme le souligne Vincent Monadé, président du CNL, « les manifestations littéraires sont parmi les rares animations dont la ressource première, c’est-à-dire l’auteur, n’est pas rémunérée. Il ne viendrait jamais à l’idée de ne pas rétribuer les artistes dans les festivals de musique par exemple. Sur les 95 manifestations littéraires que nous soutenons, 78 rétribuent déjà leurs auteurs. Nous ne faisons qu’acter un mouvement commencé avant nous. Et puis c’est une mesure de justice. Les auteurs se paupérisent, il faut apporter une réponse. »  

Cette nouvelle exigence pourrait-elle mettre en péril le bon fonctionnement de certaines manifestations plus modestes ? Certains directeurs de festivals l’avancent. Sur les 17 manifestations ne rémunérant pas encore leurs auteurs, il n’y a pourtant pas que des « petits » : Festival de BD d’Angoulême, Étonnants Voyageurs de Saint Malo ou Marathon des Mots à Toulouse en font partie.


Que rémunère-t-on ?


L’idée de cette mesure est de reconnaître le travail des auteurs, à la fois en temps passé sur place et en préparation. Ainsi toute participation à une table ronde, à un débat, à une lecture, ou à un atelier, c’est-à-dire allant au-delà de la simple promotion du livre, doit être rémunérée. Les dédicaces en revanche, pure promotion du livre, ne rentrent pas dans cette catégorie. Selon les interventions (et la situation des auteurs) la rémunération prendra la forme de droits d’auteur, de salaire ou d’honoraires.


… et combien ?


Quant aux niveaux de rémunération, ils varient en fonction de plusieurs critères : la durée de l’intervention, la nécessité ou non d’un travail préparatoire en amont, ou le fait que le sujet porte exclusivement ou non sur le dernier livre de l’auteur (puisqu’une telle prestation peut s’apparenter à une forme de promotion). Le minimum des cachets prévus oscille entre 150 € et 400 € selon les prestations. Libre aux organisateurs de manifestation de dépasser ces minimas !

Au-delà de l’effet d’annonce, cette mesure ne risque pas de pénaliser outre mesure les manifestations ne rémunérant pas encore leurs auteurs. En revanche elle s’inscrit dans une démarche forte de valorisation du travail des auteurs, alors que de moins en moins d’entre eux vivent exclusivement de leur plume