Au théâtre de la Cité Universitaire à voir ces jours-ci « Candide, si c'est ça le meilleur des mondes » de Maëlle Poesy et Kevin Keiss, d'après le conte philosophique de Voltaire.

 

Chassé pour l’amour de Cunégonde du paradis miteux de Thunder-Ten-Tronckh, Candide se trouve jeté dans une odyssée sans but avec à ses trousses une armée de Bulgares, d’inquisiteurs, de pirates et de courtisanes. Calamité suprême, son fidèle maître à penser, Pangloss, assène par-dessus chaque nouvelle catastrophe que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et que le bonheur général n’est finalement que la somme des malheurs particuliers.
 

Le spectacle de Maëlle Poesy et Kevin Keiss, évitant le piège de la transposition contemporaine et de ses enjeux prémâchés, restitue le conte voltairien dans toute sa vitalité. Dans une ambiance survoltée de théâtre de rue, à grands renforts de tréteaux roulants et d’artifices merveilleusement bon marché, les cinq jeunes comédiens sautent allègrement d’un rôle à l’autre et parviennent à restituer sous nos yeux Lisbonne, l’océan ; l’Eldorado, tous les lieux enfin d’une épopée dont on pouvait avoir oublié l’ampleur. Candide était déjà – en toute discrétion – un roman de la route.
 

Presqu’exhaustive – au prix de quelques longueurs sans gravité – l’adaptation insiste cependant plus volontiers sur les passages les plus truculents. On (re)découvre ainsi avec plaisir un Voltaire rabelaisien, voire grivois, qui pour dénoncer, préfère le rire aux larmes. Le jeu abonde en ce sens par des travestissements et des pantomimes qui emportent toujours l’adhésion du public – on rit beaucoup de l’histoire de la vieille qui perd une fesse, pour ne s’en repentir qu’après le spectacle. Parmi les rares « impasses » que s’est permise l’adaptation, on note d’ailleurs quelques-uns des épisodes les plus sombres de l’œuvre originale, comme le témoignage du nègre du Suriname.
 

On n’en frissonne que plus à certains moments d’épouvante, sur le champ de bataille, ou, de manière moins attendue, dans des salons parisiens transformés en discothèque louche. Il est terrible de constater que c’est pour la représentation de ces scènes noires que les metteurs en scène se sont le plus inspirés de notre époque, l’univers de Candide renvoyant à d’inquiétants instants à celui de Pinocchio, voire à la post-apocalypse de l’Armée des douze singes.
 

Il faut sans doute se réjouir du traitement de la fin du conte, qui sans tout à fait trahir Voltaire, invite sans doute à plus d’optimisme que n’en avait le grand homme. A la sortie des collégiens débattent passionnément des options préférables qu’auraient pu prendre les héros, et on rêve de ce genre de spectacles pour tout le monde, à tous les coins de rue

 

Théâtre de la Cité Universitaire

Mise en scène : Maëlle Poesy et Kevin Keiss, d'après Voltaire

Jusqu'au 24 Janvier 2016