À l'occasion de cette soirée « Carte Blanche à Michel Vinaver » (11.01.2016), l'Odéon accueille le lauréat du Grand Prix de Littérature dramatique du CNT, récompensé pour Bettencourt Boulevard ou une histoire de France (L'Arche, 2014).
La soirée s'ouvre sur une lecture de la pièce : les passages, savoureux, sont lus par quatre comédiens en très grande forme, qui incarnent les personnages avec une force incroyable.
Bettencourt Boulevard ou une histoire de France est une pièce qui traite d'une actualité brûlante, tout en adoptant un angle résolument comique.
L'affaire Bettencourt, un retour à l'écriture
Après 11 septembre 2001 (L'Arche, 2002), Michel Vinaver avait décidé de ne plus écrire. Il pensait plus précisément ne plus avoir le pouvoir d'écrire du théâtre. L'affaire Bettencourt était par définition aux antipodes du matériau habituel de l'auteur, qui privilégie les objets « rudimentaires », qui se laissent enrichir par l'écriture. Le nombre de personnages impliqués dans scandale Bettencourt était décourageant, et n'invitait pas à l'écriture. Durant de longs mois, Michel Vinaver a néanmoins entassé des coupures de presse, qu'il classait ensuite dans des cartons, comme par réflexe.
C'est une intervention extérieure qui a été l'élément déclencheur de l'écriture : Edwy Plenel, journaliste et ami de Michel Vinaver, affirme au détour d'une conversation que l'affaire Bettencourt est « faite pour lui », et que les journalistes souffrent d'une solitude qui s'explique en partie par le manque de soutien de la part des artistes. Ces derniers ont une faculté à décrire la substance de l'actualité, à l'aborder de façon plus libre et plus vagabonde que ne le ferait un journaliste : « c'est le vagabondage qui illumine une situation. »
Une écriture du hasard et de l'oubli
La pièce a été écrite sans suivre un plan prédéfini, au gré de l'inspiration et du hasard, à l'image de galets qui se posent les uns sur les autres. Cette image du galets interroge la notion d'assemblage, très forte chez Michel Vinaver, et d'autant plus dans cette pièce dite « en trente morceaux ». L'écriture est vue comme un paysage non-intentionnel, qui n'enferme pas l'auteur dans une narration. L'affaire Bettencourt est en définitive une formidable apparition du mal dont souffre notre société, qui s'enracine dans un passé beaucoup plus ancien, et notamment sur les arrières grands-pères, véritable socle sur lequel se construit l'intrigue, et qui justifie la mention d'« histoire de France ».
L'écriture de la pièce s'est faite sans retour en arrière dans les recherches effectuées par l'auteur, afin de ne pas risquer d'être étouffé par l'abondance d'informations, et pour laisser l'oubli faire son œuvre. Si Bettencourt Boulevard comporte une forme de légèreté, cela découle incontestablement du refus de l'auteur à l'idée de « ré-ouvrir les boîtes ».
Un mélange entre fiction et réalité
Ancien dirigeant de grande entreprise, Michel Vinaver a rencontré à plusieurs reprises certains des personnages présents dans la pièce, et travaillant chez L'Oréal. La majeure partie de la pièce n'a pas de source directe, les dialogues et situations étant pour la plupart inventés. Aucun nom n'a cependant été changé, afin de ne pas sombrer dans un petit jeu de devinettes qui aurait inutilement détourné l'attention.
Le personnage du chroniqueur, le seul à n'être pas nommé, a été suggéré par Edwy Plenel. C'est un personnage ambigu, une sorte de « mécanicien », qui ne peut s'empêcher d'être chroniqueur, tout comme l'écrivain ne peut s'empêcher d'écrire.
Un clin d'œil au boulevard
L'affaire Bettencourt est irriguée par le comique comme un corps humain par le sang. Il lui est consubstantiel. Selon Michel Vinaver, c'est précisément lorsque les choses sont drôles que l'on parvient à les communiquer. Le comique est une dynamique de compréhension du réel, et l'affaire Bettencourt est la révélation d'une société qui souffre d'un mal profond, diversifié, et que l'on choisit d'aborder sous l'angle du désespoir ou de la comédie. Ici, le comique jaillit en permanence de l'entrechoc entre les éléments
Photo : © Centre National du théâtre
Théâtre de l'Odéon, Place de l'Odéon, 75006 Paris
Réservations : 01 44 95 98 21
Site du théâtre : http://www.theatre-odeon.eu/
Bibliothèques de l'Odéon, Cycle « Avant-scènes » (Programme de la saison 2015-2016)
Durée : 1 h 15
10 € | 5 € (Hors abonnement)