Que ceux à qui le théâtre politique fait peur se rassurent, Ça ira (1) Fin de Louis évite tous les écueils du genre. Ce qui se déroule devant nous, et à côté de nous, puisque les comédiens sont aussi disséminés parmi les spectateurs, pourrait aussi bien avoir lieu en 1789 qu'en 2015, tant les discours et les émotions restent inchangés. De la crise fiscale et financière de 1787 à la tentative de fuite de Louis XVI et Marie-Antoinette en 1791, la Révolution nous apparaît sous un jour nouveau, et résolument actuel. Les grands héros de la Révolution française sont absents, car Joël Pommerat prend le parti de nous faire entrer directement au cœur des débats qui ont agité la France durant cette période de doute, d'idéologie et de volonté de changement. De l'Assemblée Nationale aux comités de quartier, en passant par les appartements royaux de Versailles, l'immersion est totale. Le tour de force du metteur en scène est d'avoir su mêler exactitude historique et improvisation, mêlant l'écriture de plateau à un formidable travail de documentation. On se surprend à prendre parti pour un député, puis à se laisser convaincre par son opposant, tant les allocutions sont claires, limpides, criantes de vérité.
Grâce à un décor épuré et minimaliste, des costumes tout droit sortis de la dernière décennie et des clins d'œil subtils à la vie politique contemporaine, Ça ira (1) Fin de Louis est un spectacle qui transcende passé et présent, pour nous faire vivre une expérience collective hors du commun. Nous sommes, l'espace d'un instant, ces députés qui ne prennent jamais la parole, malmenés par les plus charismatiques, à qui l'on voudrait parfois tordre le cou. La descente des marches du couple royal sur une musique des années 1990 émeut autant qu'elle porte à rire, un peu honteux que nous sommes d'être si facilement pris au piège par cette mise en scène du pouvoir. En définitive, Joël Pommerat nous offre quatre heures d'une intensité rare, sans une seule seconde d'ennui. La magie de son théâtre a encore opéré.