De cette libre adaptation du roman de Zola, Charlotte Janon tente d'extraire ce qu'il y a de plus violent, de plus sombre et de plus trivial en chaque être humain. 

Roman noir sur le monde du chemin de fer, La bête humaine n'est pas un matériau facile à adapter au théâtre. On retrouve ici le personnage de Roubaud, mari jaloux et colérique, et futur assassin de l'homme qui abusa de sa femme Séverine lorsqu'elle était enfant. Dénoncé par Jacques Lantier, mécanicien sur la ligne Paris-Le Havre, le couple est finalement disculpé, mais se dissout progressivement lorsque Séverine prend Jacques pour amant. Ce dernier, sujet à de violentes pulsions meurtrières, finit par étrangler Séverine, alors même qu'ils s'apprêtaient à tuer Roubaud pour pouvoir vivre pleinement leur amour. Dans leur volonté de se dévorer les uns les autres, les personnages font preuve de moins d'humanité que les plus voraces des animaux, car comme l'indique l'intitulé du spectacle, les loups mêmes ne se mangent pas entre eux.

Comme dans tous les romans de Zola, plusieurs intrigues s'enchevêtrent les unes aux autres : difficile de saisir l'intensité de cette adaptation lorsque l'on ne connaît pas le roman fleuve de Zola sous toutes ses coutures. Volontairement fragmenté en plusieurs scènes, qui s'articulent autour des moments clés du récit, la pièce pâtit un peu de son manque de clarté. Ce qui apparaît clairement comme un parti pris artistique cantonne ceux qui n'ont pas lu La bête humaine à chercher ailleurs les clés de compréhension de ce qui se déroule sur le plateau, et notamment dans la violence des échanges, à la fois verbaux et physiques. On ne peut reprocher à Charlotte Janon d'avoir voulu rendre ce spectacle aussi complexe et exigeant que l'œuvre de l'auteur des Rougon-Macquart, mais le risque était grand d'y perdre une partie du public en cours de route.

La mise en scène et la scénographie rendent bien compte de l'univers sombre du roman, dans lequel les personnages tentent tant bien que mal de réfréner leurs instincts de rage. On salue l'incroyable énergie avec laquelle les comédiens incarnent leurs rôles respectifs, et l'on est saisis par le talent de Thomas Girou, qui interprète successivement le mari et l'amant de la fatale Séverine. Charlotte Janon va puiser du côté de la marionnette le personnage tante Phasie, qui apparaît paradoxalement plus humaine, car différemment vulnérable, que tous les autres personnages. Convaincante mais perfectible, cette pièce est le fruit d'un réel effort de recherche et d'adaptation. Revendiquant un travail de création et d'expérimentation théâtrale, les Froufrous de Lilith est un collectif à suivre

 

Texte : La bête humaine, Émile Zola 

Adaptation et mise en scène : Charlotte Janon 

Compagnie : Les froufrous de Lilith 

Distribution : Thomas Girou, Justine Langlois, Léa Duteil et Vicky Lemaire 

Photo : © Les Froufrous de Lilith 

Prochaine représentation le 6 Novembre à 20h30 au Siroco de Saint Romain de Colbosc, Rue Henri Odièvre, 76430 Saint-Romain-de-Colbosc