Poursuivant ses recherches sur la justice, M. Foucault montre comment s’élabore la justice pénale – et ses corolaires judiciaires, sociaux, économiques.

Dans les sept premières leçons, Michel Foucault analyse la répression des Nu-pieds comme l’acte de naissance de ce qu’il qualifie de « nouveau système répressif » que va devenir la justice pénale, cette justice qui fera de l’enfermement la principale peine. Comme il l’explique dès le début de la première leçon, il s’agit, d’un point de vue méthodique, de replacer l’analyse du système pénal dans le contexte de « systèmes de répression » pour éclairer le développement des notions morales, sociologiques et psychologiques et leur rapport aux catégories de délit politique et délit de droit commun. L’objet historique est l’étude de la répression des émeutes populaires au début du XVIIème siècle pour étudier la naissance de l’Etat. Plus précisément, Foucault s’intéresse au rituel pénal déployé par le chancelier Séguier contre les Nu-pieds en Normandie qui, pour un motif fiscal, étaient entrés en rébellion, et à l’attitude neutre des classes privilégiées. Foucault étudie les  causes factuelles de l’émeute de 1639   qui manifestent des refus de la loi et des luttes à plus ou moins grande échelle contre le pouvoir, du refus passif de l’impôt à l’attaque à main armée. Dans sa description de la situation, Foucault montre la porosité des groupes sociaux : certains bannis restent mais deviennent hors-la-loi, les nobles recrutent des paysans insolvables, etc. D’où la difficulté d’une classification de ceux qui enfreignent la loi : « Parmi toutes ces formes de refus de la loi, on voit combien il est difficile de distinguer ceux qui seraient politiques et ceux qui seraient de droit commun. En fait, dans cette gradation à peu près continue, le système pénal, taillera pour dégager ce qui recevra le statut de délit politique et ce qui recevra le statut de délit de droit commun. »   . Certes, la question était posée auparavant, mais avec les grande conjurations (des Guerres de religion à la Fronde), la période est décisive pour la formation de cette opposition. C’est, comme le dit Foucault,  le « moment où l’Etat remet la main sur la justice. »   .

Après la description de la révolte, Foucault en analyse la répression qui « juxtapose des traits de violence « aveugle »  et tout un rituel pointilleux. » Comme l’écrit Foucault, à travers cette révolte, qui est l’une de celles qui agitent la France de cette époque, « il s’agit d’analyser dans ce « faste répressif » « une manifestation du pouvoir », c’est-à-dire comment saisir l’assujettissement, le réassujettissement d’une classe, opprimée et soulevée, et puis, en même temps, le premier grand déploiement des « armes » de l’Etat indépendamment de la personne du roi. »   . Ce qui change, c’est qu’auparavant, c’est contre le Seigneur qu’était dirigée l’émeute, à l’époque, en 1639, c’est contre l’agent du fisc ou ceux qu’on prend pour tels. Puis on attaque les maisons des riches. Les Nu-Pieds, attaquant le pouvoir royal – ou du moins ses représentants : les agents du fisc –, se sont présentés comme s’appropriant une partie du pouvoir ; ils s’en sont donné explicitement les signes, et ils en ont exercé les prérogatives   . En cela, ils s’opposent aux contrebandiers ou aux brigands, qui n’ont pas prétention à une forme de souveraineté. Aussi, la révolte n’a pas été réprimée selon les lois existantes (comme un pur et simple brigandage), mais la répression est vue à la fois comme la reconquête d’un pays devenu ennemi puisqu’un autre pouvoir s’y exerçait, comme la réappropriation des formes du pouvoir puisqu’elles avaient été confisquées par une autre classe sociale, et comme la redistribution des instances où s’exerçait traditionnellement ce pouvoir : puisqu’elles avaient laissé échapper les pouvoirs qu’elles exerçaient.

Le système de la justice royale à l’époque se situe sur deux niveaux, comme le montre Foucault : d’une part, une justice royale qui se surimpose à la justice féodale pour la limiter, les contrôler et qui fait partie avec celle-ci de ce qu’on pourrait appeler « le système répressif féodal » ; d’autre part, une nouvelle justice royale, rattachée encore plus directement que l’ancienne à la personne du roi, mais relevant en fait d’un nouveau système répressif : « système répressif étatique ». Il en résultait, remarque Foucault, que « cet appareil d’état a été violemment attaqué par la bourgeoisie   à cause de sa destination (le maintien dune fiscalité de type féodal), et [que] dans cette lutte, la bourgeoisie avait pour alliés des gens qui n’étaient pas hostiles à la destination de cet appareil répressif, mais à sa forme (ceux qui tenaient de l’ancien système répressif) : essentiellement les parlementaires. »   . On se rend compte, avec cette révolte, que la grande aristocratie féodale n’arrive plus à assurer l’ordre sur place. Il faut donc une force armée spécifique. Comme l’explique Foucault : « le danger que représentait pour la féodalité une communication plébéienne ville-campagne et une coalition urbaine (peuple-bourgeois) a rendu nécessaire un certain système de répression (au XVII-XVIIIème siècle). Il n’a été levé que pendant le court moment où la bourgeoisie a eu besoin de cette communication et de cette coalition politiques pour liquider les restes du régime féodal et ses formes de prélèvement fiscal. Mais il lui a fallu le rétablir aussitôt (sous des formes nouvelles, beaucoup plus cohérentes et beaucoup plus maniables) car c’était à l’abri de cette double séparation politique (ville/campagne, peuple/bourgeoisie) que le capitalisme s’était développé dans les interstices de la féodalité ; et c’était de cette double séparation qu’il avait encore besoin. »   . En réprimant la révolte, Foucault montre comment se manifeste le « théâtre du pouvoir » : « revêtus de leurs insignes et tenant leurs discours, les parlementaires, les échevins et leur maire, l’archevêque de Rouen, qui – chacun de son côté – reprennent le rôle que le rite politique leur assigne mais, à l’intérieur de ce rôle, défendent leurs intérêts, proposent des alliances, marchandent leur appui et leur soumission »   . En envoyant seulement l’armée, le pouvoir disqualifiait le peuple comme sujet et le considérait comme ennemi. C’est ce rapport d’ennemi à ennemi qui était manifesté aussi bien par les exécutions immédiates, des traîtres et des meneurs (pratique punitive) que par l’affaire des logements (on logea l’armée sur place, aux frais des habitants, même de ceux qui en étaient ordinairement exemptés). C’est un symptôme que Foucault analyse, en remarquant que même si on ne parle pas encore d’« ennemi intérieur » ou d’ « ennemi social », avant même l’apparition de ces notions, les pratiques répressives ont qualifié comme actes d’hostilité certaines formes de lutte pour le pouvoir ou de lutte contre l’exercice du pouvoir. Comme il l’écrit : « ces pratiques ont qualifié d’ennemi ceux qui les mettaient en œuvre, elles ont placé hors de la protection légale ordinaire les classes sociales qui pratiquaient de telles formes de lutte. »   . Plus spécifiquement, une telle pratique répressive réorganise la place de tous ces instruments de répressions spéciales à l’égard des classes pauvres, des chômeurs, des mendiants, des vagabonds, des séditieux, de ceux qui font des rassemblements. Ces derniers vont relever, comme le remarque Foucault, d’une « justice paramilitaire, la « maréchaussée » ou les « prévôts des maréchaux » qui étaient à l’origine chargés de faire la police de l’armée, autour de l’armée (de châtier ceux qui précisément se conduisaient comme en pays ennemi, ou désertaient, ou trahissaient). C’est cette justice qui va servir contre les pauvres et qui va être institutionnalisée contre eux dans l’Ordonnance de 1670. »   Alors que maires, parlementaires et religieux tentent d’adoucir ma répression, Séguier, envoyé par le roi pour réprimer la révolte, refuse ces intercessions et prononce une phrase aux accents de jugement dernier : « les innocents n’ont rien à craindre ; les seuls qui ont failli ressentiront les effets de la juste colère et de l’indignation du roi. » Pour Séguier, contrairement à la théorie des trois freins qui modèrent le pouvoir royal, le roi n’est pas soumis aux lois de son royaume, car il est directement inspiré par Dieu (et non car, comme l’empereur romain, sa volonté serait loi). Dans la ville occupée, Séguier prend tous les pouvoirs : Séguier rend la justice seul, s’est appuyé sur des témoignages sans écouter les accusés et a formulé une sentence oralement comme un ordre et ne les pas écrites. C’est très choquant pour l’époque et c’est illégal.    

Puis Foucault consacre une analyse à la répression comme telle. Il montre d’abord la cohérence interne de cette dernière, qui différencie les sanctions pour briser les précédentes alliances des groupes sociaux, qui accorde un projet financier aux privilégiés en contrepartie du maintien de l’ordre et qui forme une instance tierce (ni militaire, ni juridique) comme instrument administratif de l’Etat. Il montre ensuite la visible précarité des solutions apportées à la prise d’armes des Nu-Pieds. Le premier problème est celui de l’armement : les pauvres sont désarmés mais n’ont pas de mal à se faire des armes (blanches), tandis que les privilégié sont désarmés car on estime trop précaire leur rattachement au pouvoir. Et lorsque l’armée intervient, c’est efficace, mais ruineux, puisqu’il faut déplacer et nourrir les hommes. Comment s’assurer alors du maintien de l’ordre à un prix modéré ? Comment concilier la baisse des revenus fonciers et des levées fiscales quand l’armée est présente sur un territoire ? En effet, comme il faut surveiller le territoire, on laisse des soldats qui vendent les récoltes, ce qui entraîne une baisse des revenus et donc on obtient moins d’argent récolté par les impôts. 

C’est pour résoudre ces problèmes qu’apparaissent à partir de 1640 une nouvelle institution et un appareil répressif distinct au sein de l’appareil d’Etat (intendants de police, justice et finance) servant de tribunal administratif et de juridiction exceptionnelle qu’analyse Foucault : d’une part on assiste à la « mise en place d’une police centralisée et locale ( une force armée mais qui n’a pas de tâche militaire, qui, fondue dans la population, a des capacités d’intervention immédiate et de prévention que l’armée ne possède pas, une force armée dont la présence n’a pas de conséquence économique désastreuse d’une armée en campagne.) »   . De l’autre, on organise le prélèvement sur la « population dangereuse » : apparaissent  l’enfermement et la déportation : en cas de sédition, il n’y a plus d’invasion, mais un enfermement de certains, ce qui a pour conséquence le maintien des bas salaires (plutôt que d’être enfermés, les gens acceptent des bas salaires). Comme le note encore Foucault : « la police et l’enfermement sont deux phénomènes corrélatifs. L’un et l’autre permettent d’échapper à l’alternative présence de l’armée ou armement de la population ; l’un et l’autre permettent d’échapper au supplément de coût que constitue la répression ponctuelle et l’armée ; enfin, l’un et l’autre se trouvent jouer un certain rôle dans le développement d’une économie qui se fraye un chemin entre la rente et l’impôt. »   . Trois institutions nouvelles sont en effet mises en place après l’échec de Séguier et la Fronde : les intendants, la police, l’enfermement. Elles sont toutes trois comme l’explicite Foucault, « commandées par les nécessités d’une répression anti-séditieuse. Ce sont les luttes populaires qui les ont déterminées. (…) L’envers du système répressif, ce n’est pas la délinquance, c’est la lutte populaire, la lutte du peuple contre le pouvoir. C’est à cela que répond un système répressif. »   . La délinquance, elle apparaît comme un effet de ce système répressif. L’analyse de la délinquance et de la prison fait écho aux préoccupations foucaldiennes publiées dans son livre Surveiller et punir. Et ce nouveau système répressif se trouve lié au développement du capitalisme car il a non seulement été sinon la cause essentielle du moins partie prenante dans le coup d’arrêt donné aux séditions populaires, ce qui a permis le développement de la production capitaliste, mais il a, par ses décisions (et à cause de ceux qui les prenaient), également été en somme favorable au capitalisme naissant. Il a aussi, par son mode de fonctionnement orienté dans une direction productrice, le capital mobilisable du patrimoine bourgeois. Enfin, il a pu être repris pour l’essentiel dans le système politique de l’Etat bourgeois et capitaliste du XIXème siècle. Comme le conclut Foucault liant ainsi ce nouveau système répressif au couple capitalisme-délinquance : « le capitalisme ne peut subsister sans un appareil de répression dont la fonction principale est anti-séditieuse. Cet appareil produit un certain codage pénalité-délinquance. »   .

Dans les cinq leçons suivantes, l’auteur se livre à l’étude des instituons judiciaires médiévales et des facteurs qui vont conduire à la mise en place de ce nouveau système après la révolte des Nu-pieds, en étudiant particulièrement l’histoire du droit germanique et ses influences dans le droit pénal médiéval, le système de l’épreuve qui décide du vainqueur et les guerres privées comme modalité de droit au Moyen-âge. Si au Moyen-âge, il n’y pas, d’après Foucault, à proprement parler d’appareil d’Etat, il existe déjà des fonctions « pré-étatiques » qui corrèlent politique et économie qui sont assurées par des formes régulières et institutionnalisées du pouvoir. Il écrit ainsi : « le système pénal n’est pas encore du tout un appareil d’Etat ; mais il exerce une fonction qui est celle d’un appareil d’Etat : embrayer l’un sur l’autre l’exercice d’un pouvoir qui est domination de classe et le système d’accumulation des richesses défini par des rapports de production. » (p152). C’est seulement dans l’appareil judiciaire, policier et pénitentiaire que prendra corps dans un appareil d’Etat le pouvoir régulier de punir. Et cette modification des pouvoirs dont résulte ce nouvel appareil est la solution apportée aux problèmes des séditions du XVIIème siècle, dont celle des Nu-Pieds est emblématique.

Pour expliquer ce jeu des pouvoirs, Foucault rappelle également comment naissent et s’organisent les Parlements aux  XIIIème et XIVème siècle. Leur apparition est rendue possible parce qu’on tient pour vrai que la justice émane tout entière du roi, qui ne tient que de Dieu la justice et les barons ne sont justiciers que dans la mesure où le roi leur concède l’exercice de la justice. Aussi Foucault écrit-il : « Ce n’est donc pas en tant que suzerain que le roi exerce la justice, ce n’est pas comme seigneur féodal et au même sens qu’un seigneur féodal est justicier. » (p176) Mais si le roi est justicier comme souverain, c’est-à-dire de plein droit, le seigneur est justicier par cessation de droit, en tant que suzerain d’un fief qui lui a été concédé par le roi. Ainsi le parlement, cour féodale à l’origine, devient organe de souveraineté, élément d’un appareil d’Etat. Les crises et luttes sociales des XIII et XIVème siècle conduisent à la centralisation du pouvoir royal et à la mise en place d’une justice royale qui se manifeste dans l’institution du Parlement. Cette justice d’Etat possède trois caractères : elle est universelle, obligatoire et déléguée. Deux autres mesures apparaissent ensuite et sont un jalon important pour la constitution du « nouveau système ». C’est, d’une part, l’extension des cas relevant du roi qui confère une nouvelle dimension à la pénalité pour infraction à l’ordre public : On voit de plus en plus d’actes qui troublent l’ordre public comme gênant le roi. La pénalité sanctionne la transgression d’une règle parce qu’elle est soutenue par le pouvoir, même si concrètement, elle ne lèse personne (par exemple, le port d’armes, qui, en soi, ne fait de personne la victime d’un crime)   . C’est, d’autre part, l’instauration des procureurs royaux qui voient s’étendre leur rôle à l’accusation avec comme conséquence que tout crime devient atteinte au pouvoir et le roi devient donc juge et parti   .

A travers la spécification de ces cas royaux, on voit surgir une nouvelle définition du royaume-Etat : le royaume n’est plus simplement un domaine plus des terres rattachées par des liens de vassalité, mais un lieu de circulation contrôlée des forces armées, un réseau de communication pour les marchandises et les richesses et un espace de validité pour les ordres, les interdictions et les décisions. Ce qui implique consécutivement que le roi dès lors n’est plus seulement le suzerain ou le souverain mais qu’il est le gardien de l’ordre, d’un ordre public caractérisé par le contrôle centralisé des armes, la sécurité de l’échange marchand, l’obéissance aux prescriptions du souverain. Cela aboutit, conclut Foucault à « un nouveau domaine de la pénalité qui se définit non plus comme dommage à un particulier ni comme atteinte aux droits féodaux du souverain, mais comme infraction à l’ordre public. »   . Aussi n’est-ce  plus le dommage qui va à lui seul provoquer la réplique judiciaire (ex le port d’arme en groupe), mais la rupture de l’ordre, ce que reprendra  le code pénal de 1810, puisque ce qui motive l’action pénale, ce n’est pas le dommage fait à autrui, c’est l’infraction à la loi, et ce qui est caractéristique de l’infraction, c’est qu’elle soit punie par la loi   .Tant que l’infraction se définissait par le dommage, il ne pouvait pas y avoir de séparation nette entre le pénal et le civil. Mais le crime, après cette séparation, devient un dommage étatisé au niveau de l’action qui lui répond. Au cœur du droit pénal, ce qu’on trouve, ce n’est plus la guerre, la vengeance, la réparation ou la réplique, c’est le pouvoir, l’obéissance et la punition. Et Foucault de conclure sur le rapport entre droit et morale : « la pénalité est, de fond en comble, politique. Si elle s’est rapprochée de la morale (assimilant le crime à la faute et substituant, à la vengeance, la punition ; à la réparation, l’amendement), c’est dans la mesure où le système pénal s’est ordonné à une structure politique. La pénétration de la morale chrétienne dans le système s’est faite par ce biais. »

La dernière leçon dégage les modèles de relation pouvoir/savoir qui caractérisent les institutions judiciaires au moyen-âge, que Foucault met en rapport avec le cours de l’année précédente sur la « volonté de vérité » et qui s’intéresse en particulier à l’interrogatoire. Comme il l’écrit : « Faire une histoire de l’interrogatoire. On n’a pas prêté assez attention au fait que le pouvoir s’arroge le droit de poser des questions : non seulement le pouvoir lève des impôts, contraint au travail, recrute des soldats et envoie à la mort, mais il pose des questions, à quoi il faut répondre. Il prélève du savoir et à propos de celui-là même à qui il pose une question. Tu dois me dire ce que tu sais sur toi. Dans la constitution du « sujet » conscient, sachant, etc., le rôle de l’interrogation comme forme d’exercice du pouvoir est capital. Plus peut-être que la théologie. »   . L’aveu, l’enquête, l’épreuve, la fama et la mauvaise/bonne réputation sont prises en compte.

Outre le cours lui-même, l’ouvrage contient le résumé du cours qui met en rapport ce cours avec celui de l’année précédente et les lignes de recherches de Foucault   , la conférence  d’avril 1972 : « Cérémonie, théâtre et politique au XVIIème siècle » résumée par S. Davidson qui a pour sujet la « cérémonie politique » comme genre populaire bien défini, dans lequel chaque mot ou geste avait sa place, réglée par l’étiquette   . Comme tous les volumes publiés des cours de M. Foucault au Collège de France, on trouve également une situation du cours qui ancre le cours dans son contexte (ici la volonté de réformer contre celle de faire de révolutionner dans les suites de mai 68), fait le point sur l’importance des différents thèmes traités par Foucault, la place des études qui y sont formulées dans le trajet intellectuel foucaldien (on voit ici s’amorcer ou se poursuivre une réflexion sur la naissance de la justice comme appareil répressif d’Etat qui n’a plus comme fonction d’assurer la circulation des richesses mais la lutte contre les séditions et l’origine de la distinction entre délinquance de droit commun et criminalité politique) et le dialogue, parfois implicite, parfois explicite, avec des auteurs ou des thèmes alors actuels (ici, Althusser et sa conception des « appareils d’Etat » sont visés   , plus généralement, Foucault est en dialogue avec une forme de marxisme).

Deux annexes particulièrement intéressantes sont jointes à l’ouvrage. Une lettre d’E. Balibar à l’éditeur du cours, dans laquelle E. Balibar analyse le rapport à Marx dans l’itinéraire intellectuel de Foucault : ce dernier aurait procédé à « un grand règlement de compte avec le marxisme » en trois temps : dans le cours de 1971-1972, il critique la théorie marxiste de l’Etat, dans celui de 1972-1973, il propose une théorie alternative de la « reproduction » des conditions du capitalisme et dans celui de 1975-1976, il réfute l’idée du primat de la « lutte des classes » qui débouche sur un autre concept de la politique concurrent du marxisme. Pour éclairer le travail et la position de Foucault par rapport aux travaux historiques sur la révolution des Nu-Pieds, Claude-Olivier Doron, dans « Foucault et les historiens le débat sur les « soulèvements populaires » livre quelques éléments sur le débat des historiens sur les Nu-pieds au moment où Foucault les étudie. Principalement, le débat a lieu entre deux thèses : celle de Porchev et celle Mousnier. Selon Porchev,  les mouvements populaires du début du XVIIème siècle sont liés avant tout à la fiscalité, sont spontanés et non guidés par des nobles ou des bourgeois, et sont le fait d’une partie du peuple (paysan, plèbe séditieuse) que les augmentations de la fiscalité placent dans des conditions de misère insupportables. Ces mouvements ne visent pas le roi, mais l’ensemble des bénéficiaires de la « rente féodale ». Pour lui, la bourgeoisie n’a pas au début de la période monarchique joué son rôle dans le développement de la lutte des classes. Elle n’a cessé de renier sa classe pour se transformer en bourgeoisie féodale. Une bonne partie de la bourgeoisie cherchait plus à devenir noble qu’à détruire le système féodal. En revanche, selon Mousnier, les luttes populaires sont insignifiantes du point de vue de l’absolutisme. Ce sont des épisodes locaux auxquels il ne faut pas accorder trop de poids. Pour lui, ces mouvements sont dirigés en sous-main par d’autres (noble, princes, bourgeois). Pour lui, la monarchie a assujetti toutes les classes en reconstituant l’Etat, mais elle s’est aidée de la bourgeoisie à laquelle elle a laissé un peu de pouvoir. Là où Porchev défend une féodalisation de la bourgeoisie, Mousnier défend un embourgeoisement du pouvoir. Par rapport à eux, Foucault montre que la répression des Nu-pieds marque l’entrée en scène d’une nouvelle fonction répressive d’Etat. Il prend au sérieux, comme Porchev ces luttes, mais pas pour les intégrer comme lui à l’histoire de la lutte des classes, au contraire, il y voit « une série de défis ponctuels, hétérogènes, face au pouvoir et à ses agents. » Mais Foucault lit aussi l’évènement comme une singularité liée à l’attaque ressentie par le roi. Aussi, comme l’écrit en conclusion de son analyse Claude-Olivier Doron : « l’idée centrale de Foucault bien d’établir une continuité importante entre le système répressif d’Etat qui s’impose sous la monarchie absolue, et celui qui sera repris par la bourgeoisie à la fin du XVIIIème siècle. »