À l'occasion de la parution de son nouveau livre, Children Act, dont la traduction en langue française vient de sortir chez Gallimard sous le titre L'intérêt de l'enfant, Ian McEwan a inauguré cette première soirée du cycle littérature des Bibliothèques de l'Odéon.

Avec quatorze romans et deux recueils de nouvelles, mais aussi auteur de théâtre, de cinéma et d'ouvrages pour la jeunesse, Ian McEwan est aujourd'hui un écrivain incontournable du paysage littéraire anglo-saxon. Son œuvre s'articule autour de thèmes récurrents, tels que le couple, la science, la musique ou encore la religion, thèmes qui seront tous évoqués durant cette lecture. Entendre Ian McEwan lire un extrait de Children Act est une véritable plongée dans la musicalité de la langue anglaise. Le public de l'Odéon a semblé immédiatement conquis par le style si particulier de l'auteur, à la fois doux et grave, jamais dénué d'une pointe d'humour. Les extraits qui suivront seront lus en français par la comédienne Amira Casar, dont le ton et l'éloquence ont frôlé la perfection.

La connaissance par l'immersion

Grand lecteur d'articles scientifiques, dans lesquels il va chercher des histoires n'appartenant pas au domaine de la fiction, Ian McEwan nourrit une curiosité insatiable par l'exploration de mondes très différents du sien. Afin d'arriver à ce niveau de maîtrise d'un sujet, Ian McEwan s'impose une immersion totale dans le milieu à propos duquel il souhaite écrire, ici celui de la justice. Grâce à cela, l'auteur peut se permettre d'aller très loin dans la description du ressenti psychologique de ses personnages. Celui de Fiona, juge aux affaires familiales et héroïne de son nouveau roman, est tout entier construit sur un paradoxe, que l'auteur a pu observer en fréquentant le milieu judiciaire : l'erreur humaine étant toujours possible, la justice peut être merveilleuse ou monstrueuse. À travers cette plongée dans le quotidien d'une juge, Ian McEwan porte un regard très critique sur la famille, et notamment sur le sort des enfants, éternelles victimes des conflits entre adultes. Au-delà de la justice, la question de la famille reste par ailleurs très liée à celle de la religion, cette dernière n'étant pas, selon l'auteur, un bon guide en matière de morale. Ainsi, où se termine notre responsabilité envers les autres ? Le personnage de Fiona est confronté à une famille Témoin de Jéhovah refusant la transfusion sanguine de leur jeune garçon, pourtant en danger de mort. Dès lors, reste à savoir quelle doit être la base morale d'une loi laïque. Dans un monde idéal, deux notions devraient primer sur tout le reste : la rationalité et la compassion.

Les lois qui régissent l'amour et la fin de l'amour

Femme ambitieuse et accomplie, Fiona garde malgré tout une grande vulnérabilité sentimentale. Ce personnage traduit de la part de l'auteur une volonté de s'opposer à l'idée selon laquelle les femmes seraient expertes dans le domaine des sentiments au détriment de l'intellect. Fiona est à l'inverse un personnage dont l'assise est précisément intellectuelle, et dont la fragilité se niche au creux de ses émotions. Alors que pèse sur elle la lourde responsabilité de déterminer le sort de familles entières, elle traverse avec son mari une crise de couple sans parvenir à se « soustraire elle-même à la garde d'un mari malveillant ». Dans l'œuvre de Ian McEwan, la relation intime devient un terrain de jeu, et le roman un formidable outil d'enquête, qui nous permet d'explorer le thème de l'amour et de la fin de l'amour.

Une littérature sensible

La littérature de Ian McEwan, remarquable de justesse et d'érudition, n'en reste pas moins une véritable ode aux sensations. Passionné de littérature et de science, mais aussi grand voyageur, l'auteur manie avec une grande habileté l'art de la description, et notamment celle des lieux dans lesquels se déroulent ses romans. « Je veux qu'on sente l'odeur de la ville dans mes livres », dit-il. La musique fait également partie de ses thèmes de prédilection. Elle n'en représente pas moins pour l'auteur un terrain miné, car on ne peut définir le sens moral d'un personnage à travers ses goûts musicaux. Ainsi, il n'hésite pas à rappeler que les plus grands tortionnaires de l'histoire de l'humanité furent parfois de parfaits mélomanes. Par conséquent, c'est dans la relation du personnage avec la musique que l'on doit lire son rapport au monde.

C'est donc avec beaucoup d'humilité et d'humour que Ian McEwan s'est prêté au jeu des questions-réponses de Sylvain Bourmeau, journaliste pour France Culture. Chaleureusement applaudi par le public au terme de deux heures de lectures et de discussion, cette première bibliothèque s'est poursuivie par une séance de dédicaces, qui nous a permis de prolonger encore un peu cette très belle rencontre 

 

Photo : © 

Théâtre de l'Odéon, Place de l'Odéon, 75006 Paris

Réservations : 01 44 95 98 21

Site du théâtre : http://www.theatre-odeon.eu/

Durée : 2 h

 

10 € | 5 € (Hors abonnement)