Stanley Hoffmann s’est éteint dans la nuit du 13 septembre 2015 aux Etats-Unis. Grand professeur de sciences politiques, intellectuel de talent, et ami de la France, il a enseigné à des générations d’étudiants la culture française et européenne. Etant membre du comité de parrainage de nonfiction, nous souhaitons lui rendre hommage.

Né à Vienne dans une famille austro-américaine, Stanley Hoffmann découvre, dès sa première année, le pays qui sera le sien : la France. Se définissant comme « culturellement français », il fera de notre pays son objet de recherche de prédilection. Formé à Sciences Po, il part pour Harvard en 1955 où il enseigne l’histoire politique de la France et les relations internationales. En 1969, il fonde le Centre d’Etudes Européennes de Harvard, qu’il présidera jusqu’en 1995. Professeur attentif et exigeant, il a su illuminer, pendant 58 ans d’enseignement, la vie de générations d’étudiants.

Dans ses 19 livres, Stanley Hoffmann navigua avec aisance entre les relations internationales, l’histoire, la sociologie et la science politique. Refusant catégoriquement les cadres théoriques figés, il contempla, en « spectateur engagé » (pour reprendre les termes de son mentor, Raymond Aron), les évolutions du monde contemporain.

Avec The State of War   et Gulliver's Troubles   , il parvint à décrire les tenants et les aboutissants de l’ordre international après la Seconde Guerre mondiale. Critique acerbe de l’impérialisme américain, et notamment durant la guerre du Vietnam, Hoffmann décrypta les erreurs diplomatiques des gouvernements   .

Notons également son rôle dans l’étude de la construction européenne. Au fondement de la théorie de l’intergouvernementalisme, Hoffmann chercha à comprendre les mécanismes par lesquels les Etats se sont associés pour répondre plus efficacement à leur besoin. En mettant en commun leurs souverainetés (pooed sovereignty), les Etats européens envisagent de manière rationnelle leur association. Cette théorie, bien qu’aujourd’hui critiquée, fera date dans l’histoire des études européennes.

Français de cœur et de culture, Hoffmann a décrit les mouvements propres à la culture politique de la France. De son essai sur Poujade   à ses écrits sur Mitterrand   il fut l’un des grands analystes de la France contemporaine.

Signalons enfin son grand livre Duties beyond Borders: On the Limits and Possibilities of Ethical International Politics. Débattant du rôle de l’éthique dans les relations internationales, ce livre trouve un écho tout particulier aujourd’hui, à l’heure où les migrations posent la question de la morale aux gouvernements du monde entier.

Stanley Hoffmann définissait l’ensemble de sa carrière comme une nécessité plutôt qu’un choix. Dans un essai autobiographique il écrivait que « ce n’est pas [lui] qui avait choisit d’étudier la politique mondiale mais que le contexte politique s’est imposé à lui au plus jeune âge. »