Avec ce Rêve d'un homme ridicule, Olivier Ythier nous propose un voyage onirique dans l'univers tortueux de Dostoïevski, mais nous laisse sur le bas-côté.

À quoi bon aimer son prochain lorsque l'on a décidé de mourir ? Mu depuis l'enfance par la douleur d'être au monde, rongé par la honte et la conviction d'être un individu grotesque, l'homme ridicule décide de mettre fin à ses jours. Électrisé par la perspective d'une délivrance prochaine, il ne prête pas attention à cette petite fille en haillons venue lui demander de l'aide. Trop tard. Cette seconde de distraction ébranle ses certitudes : lui resterait-il un peu d'humanité ? Assommé par cette prise de conscience, l'homme s'endort, et se laisse emporter par le rêve. Commence alors son voyage vers un Âge d'or fantasmé, où les hommes vivent en parfaite harmonie avec une nature généreuse et luxuriante. L'arrivée de notre homme va doucement semer le trouble au sein de cette communauté pacifique, et transformer ces âmes naïves en rejetons cruels du monde moderne. Bouleversé par ce rêve étrange, il se réveille avec la ferme intention de prêcher la bonne parole jusqu'à la fin de ses jours.

Texte d'une simplicité trompeuse, Le Rêve d'un homme ridicule ne se laisse pas dompter facilement. S'il résonne aujourd'hui comme une critique acerbe de notre société contemporaine, l'adaptation qui en est faite par Olivier Ythier et Jean-Paul Sermadiras manque singulièrement d'originalité, et l'on ressort du spectacle avec le sentiment d'avoir «  encore  » vu un Dostoïevski. Prisonnier d'un décor minimaliste censé évoquer l'âpreté et l'enfermement du quotidien, le personnage bascule progressivement vers un univers de science-fiction : mouvement de planètes, systèmes solaires, lumière iridescente et chants mystiques, rien ne nous est épargné. Après une première demi-heure de grande sobriété dans la scénographie, ces jeux de lumière auraient pu donner à la pièce un second souffle salvateur, mais manquent un peu de subtilité, jusqu'à provoquer chez nous un certain malaise.

On salue néanmoins l'interprétation de Jean-Paul Sermadiras, qui incarne avec professionnalisme, mais sans assez de passion, ce personnage extrêmement complexe : tour à tour orgueilleux, inconsolable, rageur puis émerveillé, on aimerait le suivre dans son parcours initiatique, et croire à sa renaissance quasi-miraculeuse. Peine perdue : on attendra jusqu'à la fin de la représentation une épiphanie qui ne viendra jamais

 
 
«  Le Rêve d'un homme ridicule  », de Fiodor Dostoïevski

Mise en scène d’Olivier Ythier, avec la collaboration de Gilles David

Avec : Jean-Paul Sermadiras

Au Théâtre de Belleville, Paris 11e, du 11 juillet au 12 septembre 2015 (mercredi et jeudi à 21h15, vendredi et samedi à 19h15)