« Parfois, parfois la paix me gagne. »

 

Stanislas Grassian, dont on se souvient de la superbe mise en scène de Moi, Caravage de Dominique Fernandes, revient avec un texte d'Eric-Emmanuel Schmitt. Milarepa, conte bouddhiste qui se diffracte entre un café parisien et les montagnes sacrées du Tibet, est l'histoire d'un homme, Simon, qui rêve. Dans ses songes, il est l'oncle de Milarepa, un oncle vénal et méchant que haît son neveu, ermite tibétain du XIe siècle, doté de grands pouvoirs de destruction. Milarepa décimera le clan de son oncle, mais s'en repentira. Il ira chercher auprès du grand Lama les secrets qui ouvrent à la paix et au bonheur. Le grand Lama, qui se souvint d'un songe de son maître prédisant la venue de Milarepa, mettra ce dernier à l'épreuve, avec amour et sans pitié aucune. La foi de Milarepa ne cédera pas et le grand maître lui livrera ses enseignements. Simon, lui, continue à faire le rêve de l'oncle de Milarepa. Il est dit qu'il en sera délivré à la 100 000e fois. À l'approche du dernier rêve libérateur, les identités se mêlent. Simon est l'oncle de Milarepa, il est Milarepa.

On retrouve dans la mise en scène de Stanislas Grassian son goût pour le récit. Ici, il s'agit d'un récit onirique. Simon rêve de Milarepa et de son oncle, et ne sait plus bien qui il est, ou du moins s'il n'est que Simon, s'il n'est pas davantage, s'il n'y a pas place dans son sujet à d'autres âmes et d'autres temps. Si la mise en place de la narration est un peu poussive au début, le récit s'installe peu à peu. Les comédiens accueillent les personnages, se prêtent au jeu de la réincarnation. Simon, aux multiples voix, est tour à tour Simon, l'oncle de Milarepa et le grand Lama. Milarepa, interprété avec justesse par Slimane-Baptiste Berhoun, est également le compagnon de jeu d'échec de Simon, l'Occident cartésien, la souveraineté du sujet qui moque l'entremêlement des âmes. Il y a dans Milarepa quelque chose qui fait écho aux contes de Paolo Coelho, une sagesse simple et première.

Un regret : la scénographie et les effets sonores et visuels sont un peu pauvres – même si on appréciera à la fin Like Spinning Plates de Radiohead. La scénographie mériterait d'être mieux construite, de jouer sans doute davantage sur les rideaux transparents, l'indistinction des frontières et les effets d'ombre et de lumière – qu'avait maîtrisés à la perfection Stanislas Grassian dans Moi, Caravage. La vidéo devrait être soit supprimée, soit réellement investie, et les effets sonores enrichis. Cela dit, la mise en scène et le jeu des comédiens opèrent : le spectateur glisse pas à pas dans le conte et se laisse porter par le doux songe qui émane de l'ensemble.

 

Milarepa, d'Eric-Emmanuel Schmitt

Mise en scène de Stanislas Grassian

Avec Emmanel Vacca, Slimane-Baptiste Berhoun et Séverine Poupin-Vêque

Collectif Hic Et Hunc

Durée : 1h15

Au théâtre Le Petit Louvre, 23 rue Saint-Agricol, Avignon, du 4 au 26 juillet 2015 (relâche le 20 juillet)

En tournée ensuite aux Théâtres Charenton - Saint-Maurice, à Charenton-le-Pont, du 5 au 7 novembre 2015, puis à la Médiathèque de Neuilly-sur-Marne le 23 janvier 2016.