« L'été dans la cour je me fous à poil, je me lave au jet, et après ma femme se fout à poil, et elle se lave au jet. »

 

Philippe Minyana compose avec 100 miniatures le portrait d'un quartier populaire – inspiré d'un quartier de Roubaix –, un portrait kaléidoscopique, diffracté en une multitude d'instants et de mots qui rythment et structurent des existences. Un portrait d'intérieur d'appartement, avec fenêtres sur rue, 100 petits croquis sur le vif. Le texte de Minyana est mis en scène par Mireille Larroche, qui dirige la Péniche Opéra, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical, et mis en musique par Bruno Gillet.

De ce « théâtre de chambre », selon les propres mots de Minyana, ressort non pas une harmonie contrapuntique, mais une sonore disharmonie. C'est fort dommage. Le projet avait du sens et était, sur le papier, prometteur : capter et restituer en 100 miniatures les scènes du quotidien qui font un quartier populaire. Mais il manque quelque chose à cette mise en scène pour que cela marche. Ou plutôt, il faudrait lui retirer certaines choses pour sortir de cette impression de bruit assourdissant et, plus problématique, monotonal.

Pourtant, pris séparément, chaque ingrédient semble de bonne qualité. Si Minyana n'est pas à son meilleur, le texte n'est pas non plus mauvais. La musique composée par Bruno Gillet ne manque pas d'une certaine grâce, tandis que les chanteurs-comédiens font le job. La scénographie, assez réussie, se constitue d'un appartement, cuisine et salon, à la déco années 1970, avec fenêtres donnant sur les trois musiciens logés dans des sortes de semi-alvéoles individuelles. Coté jardin, à l'avant-scène, un pianiste-percutionniste fait figure de maître de l'enchaînement des miniatures qu'il passe rapidement à la manière de diapositives.

Mais leur mélange, façon pot-au-feu, tous les ingrédients jetés dans la marmite, loin de les rehausser, les affaiblit mutuellement. Le texte passe souvent au second plan sonore. Il en va de même de la musique lorsque retentissent les chants brefs et informatifs (pour indiquer le temps qu'il fait, le nom de la rue, les recettes de cuisine). Chaque élément secondarise les autres à tour de rôle, mais sans véritable motif, ni rythme. Le principal défaut de la pièce est là : l'absence de rythme. Paradoxe pour une pièce fort bruyante. « Je monte Minyana parce que ça fait du bruit », a dit Alain Françon. Bruyante, en effet, voire cacophonique par moment pour ces 100 miniatures. C'est bien là que le bât blesse. Il aurait peut-être fallu alléger la pièce, y poser des silences, varier les mouvements, laisser plus de place au texte, et également plus de place à la musique, en jouant d'avantage sur l'alternance de ces deux composantes. Enfin, les moments chantés, tels quels, n'apportent rien et brouillent beaucoup. Leur retrait ou bien leur transformation en véritable passage chanté serait la première chose à faire pour démêler un peu cette mise en scène dont on ne retient pas grand chose à la fin.

 

100 miniatures

Texte de Philippe Minyana

Musique de Bruno Gillet

Mise en scène de Mireille Larroche

Direction musicale de Pierre Roullier

Scénographie de Thibaut Fack

Avec Paul-Alexandre Dubois, Christophe Crapez, Edwige Bourdy et Eléonore Pancrazi, chanteurs, Vincent Leterme, chef de chant et pianiste, et l'Ensemble 2e2m

Au Vingtième Théâtre (Paris, 20e) du 5 mars au 15 mars et du 27 mars au 19 avril 2015 ; au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine les 9 et 10 mai 2015