La communication publique est elle forcément politique ?

La plupart des études sur la communication publique constitue des analyses ponctuelles, le plus souvent adossées à une démarche politique particulière. C’est pourquoi, on parle volontiers de « communication politique ». Aborder cette communication de manière plus vaste et moins suspicieuse, à travers les termes de « communication publique » relève d’une certaine ambition. Celle de lui donner une forme et un contenu qui dépassent la simple stratégie politique et s’inscrit dans le panorama institutionnel de notre démocratie. C’est la volonté de l’ouvrage collectif Les mondes de la communication publique  paru aux Presses Universitaires de Rennes, sous la direction de Philippe Aldrin, Nicolas Hubé, Caroline Ollivier-Yaniv et Jean Michel Utard.

La communication publique recouvre un vaste champ d’activités, avec des acteurs hétérogènes et des intérêts parfois contradictoires. Son développement au sein du pouvoir depuis les années 90 témoigne de la perte croissante d’influence des formes classiques de gouvernement. (Ollivier-Yaniv). En devenant un nouveau mécanisme d’ajustement du pouvoir, elle relève tout autant de la démocratie participative ou de la concertation que de la crédibilité du discours politique. Entre le droit à l’information et le devoir d’informer, cette communication serait devenue une composante de la politique plutôt que son reflet. C’est le point d’encrage de cet ouvrage, rassemblant diverses contributions, elles-mêmes issues de rencontres scientifiques entre 2009 et 2010. Toutes tentent de cerner cette industrie des relations publiques à travers les pratiques, les territoires et les acteurs au pouvoir. Sans naïveté, il s’agit pour chacune de sortir de l’analyse de l’immédiat et de comprendre cette diffusion de biens symboliques, à partir de la fabrication de messages des autorités politiques à l’attention de leurs ressortissants (Utard).

Dépolitisation de la communication

A l’évidence, la communication publique reste attachée à la dimension politique. Entre un temps médiatique de plus en plus court, un temps administratif de plus en plus long et un temps politique qui n’a plus la durée suffisante pour qu’une action soit jugée sur ses effets réels, le responsable politique a depuis longtemps compris qu’il a de moins en moins d’intérêt à gouverner, de plus en plus d’avantages à communiquer. La communication semble pourtant dépasser le seul intérêt politique. Elle évolue et s’adapte au mode de gouvernance et à la position stratégique prise par l’institution dans la diffusion de ses messages. « L’Etat stratège » ne communique pas comme « l’Etat gendarme », ni « l’Etat providence ». Elle se démarque de la « communication politique », parce qu’elle tente de s’inscrire dans le souci de l’intérêt général. Elle intègre dans sa vocation une culture du service public, sans esprit propagandiste, recherchant la transparence plutôt que la disqualification des faits (Ollivier-Yaniv). Cette communication publique s’autonomise peu à peu par rapport au monde politique. C’est un marché à part entière, avec ses entreprises, ses professionnels et ses formations. Sans bénéficier d’une reconnaissance professionnelle totale, le « communicant » public cherche à asseoir la légitimité de sa mission (Legavre). Il arrive bien entendu que les espaces de la communication publique et de la communication politique se rejoignent, notamment lorsque l’action publique d’information, avec ses outils classiques, se doit d’être relayée par l’image du politique et une communication vers les médias (Nollet). Mais cette autonomisation en fait l’un des leviers légitimes du service public.

Légitimation de la communication

Si le pouvoir politique use traditionnellement de la communication pour assurer sa propre légitimité, l’institutionnalisation progressive de la communication publique en fait un instrument de gouvernement et de participation. Sans doute plus que l’Etat, les collectivités territoriales ont intégré cette pratique dans leurs politiques publiques. La communication publique a accompagné les phases de décentralisation accentuant son appropriation par les acteurs locaux. Malgré une suspicion originelle et son instrumentalisation politique, la communication publique locale relève d’une nécessité, en particulier dans le cadre d’une concurrence accrue entre les territoires (Le Bart). Cette dépolitisation partielle et sa professionnalisation font entrer le service public dans le champ du markéting, de l’avantage comparatif et des stratégies de marques. Recherchant la singularisation, utilisant une nouvelle symbolique, la communication publique locale entend valoriser un territoire, le rendre à la fois exemplaire et attractif. Le symbole politique s’attache ainsi au territoire et à ses habitants plus qu’au politique.

Outil de gouvernance

La communication publique devient indispensable aux nouvelles formes de gouvernances. Elle en est même parfois le corolaire. Alternant entre politisation et dépolitisation, le développement des pratiques consultatives permet au citoyen de participer à l’affrontement politique (Dauvin). Sans lui offrir une absolue liberté d’expression et de choix, ce mécanisme donne, d’une part, une meilleure compréhension du débat et des enjeux et, d’autre part, il rend évidente l’action de communication. L’effet n’est pas simplement celui de la mobilisation. Il est aussi celui de la création d’une demande citoyenne nouvelle (Gourgues).

Le pouvoir politique n’est pas le seul émetteur de la communication publique. Elle est à la source de coopérations, mais aussi de tensions, avec des acteurs intermédiaires, notamment associatifs (De Oliveira). Elle est un lieu de fédération et d’enrôlement d’acteurs diverses dans une stratégie globale de gouvernance (Labelle-Oger). Cette orchestration par la communication publique traduit l’évolution de la pratique politique dans la gestion de son territoire d’intervention. Ce changement politique, lié à la multiplication des perceptions de la chose publique, s’appuie sur une communication publique qui, paradoxalement se dépolitise. Il en fait aussi un objet d’étude à part entière pour les sciences politiques