Vieille putain de cabaret, Angélique est à la croisée des chemins: un fidèle client, Joseph, lui déclare son amour et la demande en mariage. Elle hésite, tentée mais inquiète. Comment aimer, quand on a été libre ? Comment changer de vie, après trente ans de “carrière” ? A quoi ressemblera cette nouvelle vie, loin des amies, des hommes et du cabaret, avec un époux et une maison “normale”?
Le trio de cinéastes de Party Girl, Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, dresse d’Angélique un portrait passionnant, physiquement et psychologiquement hypnotisant. Le film la dévoile de biais, à l’occasion de discussions, de disputes, lors de la préparation du mariage. On découvre sa personnalité, sa famille, son histoire. Plusieurs enfants, aux destins différents, tout à la fois aimés et laissés libres… Parfois trop: comment revoir sa plus jeune fille (15 ans), placée sous tutelle depuis plusieurs années? Que lui dire? Le mariage, et l’engagement qu’il représente, est aussi le moment d’une interrogation sur les limites de sa liberté et sa capacité à aimer, après des années de prostitution, de vie de groupe, et de solitude. On sent Angélique prise entre le désir de saisir ce bonheur qui s’offre à elle et la crainte de s’exposer en aimant enfin - une attitude qui va à l’encontre de tout ce qu’elle a toujours été.
Le film tire le meilleur de la matière narrative qu’offre cette femme à la vie peu ordinaire, tout en évitant, par la force des interprétations et la finesse du récit, de tomber dans les clichés du film social. L'enquête psychologique et sociologique que mène le film dans ce milieu périurbain alsacien sonne juste, parce qu’elle est portée par des acteurs inconnus qui incarnent parfaitement leur personnages - et pour cause, ils jouent leur propre rôle. Le portrait de famille, "l'histoire vraie", porte véritablement la réussite du film sans pour autant s’étaler et lui servir de (lourde) caution émotive.
La grande réussite du film est de nous ouvrir la porte à une chose rare au cinéma: un monde habité. Le plaisir à que l’on prend à s’immerger dans ce monde transfrontalier, dont l’exotisme local est exacerbé par la singularité d’une langue à la fois marquée géographiquement et socialement (accent allemand et syntaxe problématique), se double de la sensation d’entrer dans un espace intime. On entre dans l’Alsace d’Angélique avec pudeur, mais entièrement, et cette exposition unique donne au film toute sa force et son magnétisme
Sortie dans les salles le 27 Août