Spécialiste des mobilités urbaines en Chine contemporaine, l’auteur nous livre une synthèse de ses réflexions sur les enjeux d’une fabrication de l’urbain qui fascine autant qu’il révulse.

Le livre que nous propose Jean-François Doulet, Maitre de Conférences à l’Institut d’Urbanisme de Paris, est d’abord un bel objet singulier, résultat d’un audacieux parti-pris d’éditeur, spécialisé dans l’étude des formes urbaines. De format poche, ses 93 pages alternent entre le propos informé de l’auteur et un portfolio de photos en noir et blanc de N. Prache. Artistiquement très évocatrices d’une Chine urbaine en mutation, on aurait sans doute apprécié la mention systématique dans la légende des dates et des lieux exacts des prises de vue. Spécialiste des mobilités urbaines en Chine contemporaine   , l’auteur nous livre une synthèse de ses réflexions sur les enjeux d’une fabrication de l’urbain qui fascine autant qu’il révulse.

La vitesse est la première caractéristique de l’urbanisation "à la chinoise". Un processus de "destruction créatrice" permanent interroge la résilience de la ville comme société. Cette société s’est en effet considérablement agrandie de 700 millions d’urbains en 30 ans, soit une part relative passée de 20% à 50 % de la population totale. La taille et la poursuite différenciée du phénomène de métropolisation est la seconde caractéristiques de cette (r)évolution urbaine. Entre mégapoles et mégalopoles, la city-region (Scott, 2001) devient la norme urbaine en Chine. Doulet traite ensuite d’enjeux a priori sectoriels mais aux répercussions globales sur l’urbanité   des villes chinoises : leur durabilité environnementale, très fortement et régulièrement remise en cause  (permanence du smog favorisé par l’ automobilité en expansion et des industries lourdes encore très présentes), et le rapport au patrimoine, c’est-à dire au passé urbain dans une société aimantée par l’idée de progrès qui révèle la rigidité de sa planification (pp. 27-32). L’ambivalence des statistiques est très bien montrée, ce qui permet de s’interroger sur le concept même de ville (p. 15) qui au-delà d’une structure administrative constitue un paysage, de moins en moins singulier. Ainsi l’"architecture de la photocopieuse" marque des effets de génération, tandis que la tache urbaine s’étend  (p. 12). Dans ces lieux de l’émergence économique, marqués par la démesure, la ville et ses quartiers sont le moteur et  le cadre des inégalités sociales, comme le montre Doulet dans son analyse de la dualisation du marché du logement (pp. 32 sqq.). Enfin, deux thèmes sont abordés avec précision, les migrations vers les villes (p. 17 sqq) et l’omniprésence de la philosophie du ranking et du benchmarking qui plongent les villes chinoises dans la compétition intermétropolitaine mondialisée (p.23). Le livre se ferme sur le souhait d’une citadinité renouvelée ("À la recherche du citadin-citoyen", pp. 81-90). La naissance d’une opinion publique, à travers les manifestations contre la planification urbaine et certains grands projets, constitue aussi l’une des faces de l’émergence chinoise.

On aurait aimé sans doute davantage de précisions sur un des enjeux dont est spécialiste l’auteur, l’intermodalité, pour montrer en quoi la Chine peut être au cœur d’un processus d’innovation urbaine. Le format a également contraint l’auteur à restreindre ses orientations bibliographiques. Néanmoins, cette introduction à la ville chinoise comme objet de sciences sociales constitue, avec ses références méthodologiques et ses analyses récentes, un heureux ajout aux études urbaines dans des territoires en transition