Depuis le 1er janvier, la Grèce a pris à la suite de la Lituanie la présidence tournante de l’Union Européenne. Même s’il s’agit d’une obligation institutionnelle, la conjoncture économique de la Grèce fait de cette fonction un véritable défi que le pays entend bien relever. Nous nous sommes entretenus avec l’Ambassadeur de Grèce en France, Théodore Passas, afin qu’il nous éclaire sur les projets que la Grèce souhaite mener.


Nonfiction -
Comment envisagez-vous la présidence de l'Union européenne de votre pays? Quels symboles renvoie-t-elle au peuple grec et plus largement au peuple européen?

T.P - Nous espérons que la Présidence grecque de ce semestre marquera le retour de la Grèce à la normalité. En ce qui concerne les perspectives économiques, surtout par rapport aux années précédentes la Grèce va beaucoup mieux. Le pays a dégagé un excédent structurel primaire après plusieurs années de déficits, et on attend un excédent primaire encore plus important cette année égal à 6.5% du PIB en termes structurels, ainsi qu’une croissance après six années consécutives de récession. Nous avons aussi réalisé des réformes structurelles qui ont permis de récupérer une partie importante de la compétitivité perdue après l'adhésion du pays dans la zone euro. Les investisseurs ont commencé à s’intéresser de nouveau à la Grèce.

Par ailleurs la Grèce étant le pays le plus touché par la crise, surtout au niveau social avec le chômage au plus haut niveau européen, le pays a la responsabilité morale mais aussi la sensibilité de promouvoir autant que possible des solutions aux problèmes quotidiens des citoyens notamment en ce qui concerne l’emploi et la lutte contre le chômage, en priorité chez les jeunes. Juste avant les élections européennes et vu la hausse de l’euroscepticisme partout en Europe, la Grèce devrait mettre à profit sa Présidence pour faire évoluer le profil social de l’Europe pour que le projet européen redevienne de nouveau attirant aux yeux des citoyens européens et surtout des jeunes.

Pensez-vous qu'il s'agisse d'une bonne opportunité pour faire face aux difficultés économiques et sociales que votre pays connait depuis quelques années?


Tout d’abord la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne est surtout une obligation institutionnelle pour chaque pays membre. Toutefois étant donné que nous faisons face partout en Europe à un euroscepticisme qui conteste la fondation même du projet européen, le devoir européen de la Grèce est d’avancer un nouveau récit de la construction européenne. Car, pour la majorité des jeunes Européens, l'idée de l'Europe est liée à l'austérité et à la crise économique. 

Dans ce contexte, il est vrai que le programme d’ajustement de la Grèce est un défi au niveau européen dont dépendent la crédibilité et l’avenir de l’Europe dans un monde où son rôle se rétrécit de plus en plus et dans le même temps doit faire face à plusieurs défis économiques, démographiques et sociaux.


Quels sont les grands projets que vous souhaitez voir mis en œuvre au niveau européen? Quels moyens vous donnez-vous pour les réaliser?

Notre tout premier devoir sera de promouvoir les priorités des citoyens, des peuples, de la société civile. Nous développerons un modèle de croissance européen susceptible de nous faire dépasser la crise, qui a touché tous les pays d'Europe : partout, la croissance, la compétitivité, le chômage, le financement de l'économie réelle posent problème. En particulier, le secteur financier doit mieux accompagner l'économie réelle. Nous devrons restaurer l'idée même d'État social européen.

Notre deuxième priorité sera la gouvernance économique. Les défauts des institutions actuelles sont flagrants. Nous avons besoin de nouveaux mécanismes pour faire fonctionner la zone euro à dix-huit membres. Nous devons aussi proposer des améliorations de la gouvernance économique mondiale. Nous nous attacherons à achever la procédure législative instaurant l'union bancaire et le mécanisme résolution unique.

Notre troisième priorité sera constituée par les questions humanitaires et de sécurité. La protection des frontières européennes contre l'immigration illégale doit faire l'objet d'une plus grande coordination : ce problème ne concerne pas seulement les pays frontaliers, c'est un problème européen. Et nous devons le faire avec dignité et respect des droits de l’homme surtout pour ces personnes désespérées fuyant des pays ravagés par la guerre et l’impasse absolue.

La quatrième priorité sera la politique maritime intégrée européenne. Ce sujet comporte plusieurs dimensions, puisqu'il concerne la politique de l'énergie, l’emploi, le tourisme, les activités maritimes et l'environnement. Il s'agit également de délimiter les zones maritimes en se conformant au droit international de la mer.

Concernant les moyens, malgré le fait que cette présidence soit placée sous le signe de l’austérité, aussi bien sur le plan du financement que du symbolisme, nous consacrerons tous nos efforts pour que cette présidence soit couronnée de succès. Nous sommes riches déjà d’une expérience de quatre présidences largement réussies par le passé et nous sommes déterminés à mener efficacement cette présidence en coopération avec toutes les institutions impliquées pour faire avancer des volets comme la gouvernance budgétaire ou l’union bancaire dans une période pré-électorale avant un scrutin européen crucial pour l’avenir des peuples européens