On rencontre les travaux de Raphaël Zarka (né en 1977, et qui vit et travaille à Paris) actuellement au Frac Alsace, au sein de l'exposition Pièces Montrées (présentée à Strasbourg et à Sélestat). Il s'y agit cependant moins de son oeuvre propre que d'un travail sur les collections régionales à l'occasion du trentième anniversaire des Frac(s). Le résultat de ce travail n'est pour autant pas complètement déconnecté de son axe habituel. Et c'est ainsi que nous pouvons revenir au thème de ces brèves : Arts et Sciences.

En effet, Zarka ne cesse de tisser de tels liens entre arts et sciences, au long de ses productions. De lui, Olivier Grasser écrit : "Ainsi procède l'oeuvre de Raphaël Zarka. Sculpteur, photographe, et cinéaste, à la croisée des champs des arts et des sciences, il décrit une figure de l'artiste en collectionneur, en sociologue, en archéologue". Pourquoi un tel propos ? Parce que Zarka travaille les permanences et les récurrences des formes dans la culture et l'histoire de l'art occidentales.
Deux exemples : dans la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, il expose "Préfiguration de la collection des Rhombis" (oeuvre de 2008). Zarka photographie et inventorie les rhombicuboctaèdres, des formes géométriques étudiées par Archimède, redécouvertes par Luca Pacioli et Léonard de Vinci, et qui paraissent ici comme des formes archétypales figées. Zarka s'est emparé de ces formes géométriques et les détourne. Ainsi la géométrie prend-elle le pas sur les autres sources d'inspiration artistique. Elle devient le principe d'un inventaire artistique complexe articulé aux arts et aux sciences.

Un deuxième exemple se trouve au Frac Alsace. Il consiste en photographies rassemblées, chacune figurant un skateur lancé dans ou sur une sculpture publique géométrique. Les formes géométriques savantes ont présidé à la construction de l'œuvre : un arc de cercle de Bernar Venet, une fontaine de Monestrier, un angle exposé à La Défense, ... Puis, elles sont prises "en main" (en pied plutôt et en planche à roulettes !) par des skateurs qui en font un usage ludique. De ce fait, ils redessinent pour la photographie les mêmes courbes et les mêmes élans. La géométrie est devenue un moment artistique qui, de son côté, est réapproprié par les skateboards. Les cycloïdes de la mécanique galiléenne prennent la figure concrète d'une puissance ludique populaire.

L'un à côté de l'autre, les travaux de Zarka prêtent une certaine densité au problème des rapports Arts et Sciences. Ils ne se contentent pas d'exploiter artistiquement les sciences ; ils ne cherchent pas à traduire la géométrie en œuvre artistique ; ils ne proposent pas une collaboration exotique entre eux. Ils entrent au cœur d'une réflexion scientifique (la géométrie) et lui offrent un jeu de collaboration amplifiante avec les arts.

D'ailleurs, cet axe, ainsi que nous le précisions en ouverture de cette "brève", se répète dans le travail de commissariat assumé par Zarka dans l'exposition des Frac(s), trentième année. Cette dernière fait jouer des œuvres puisées dans les collections en invitant les visiteurs à une démarche active autour des affinités géométriques qu'ils découvrent entre des œuvres hétérogènes. La référence à la géométrie n'est pas formelle. Elle se lit fort bien dans les œuvres et les agencements proposés au musée de Strasbourg et encore à Sélestat. Nous ne pouvons qu'inviter les spectateurs à les découvrir