Suite à la disparition du magazine Danser en avril 2013, la critique de la danse est orpheline. Depuis 30 ans cette publication ouvrait ses pages à de nombreux critiques spécialisés et explorait toutes les formes de la danse. Malgré les critiques qu’on peut lui adresser et dont elle n’est pas exempte   , elle était la seule à occuper cette place dans le paysage médiatique français.

Les conditions de la fermeture du magazine restent obscures. La publication comptait pourtant un nombre modeste mais stable d’abonnés (autour d’une petite dizaine de milliers). Sans concurrent, il occupait seul son segment de marché et, malgré un déficit annuel qui est extrêmement difficile de chiffrer [MàJ 01/09/2013 : Thomas Hahn estime qu' "il n'y avait pas de comptabilité répondant aux normes en vigueur chez l'éditeur du magazine, Desclée De Brouwer, ce qui pourrait rendre facile de faire porter à une petite succursale comme la Société de publications et d'édition réunies (S.P.E.R.), éditrice de Danser, le chapeau du déficit général de DDB."]   , sa santé pouvait donc être perçue comme correcte en pleine crise de la presse.

D’autant plus que Danser s’est trouvé pris dans le redressement judiciaire de son propriétaire Desclée De Brouwer (DDB), éditeur spécialisé dans la publication de titres catholiques qui avait racheté le magazine en 2009. Et l’on aurait pu s’attendre alors à la mise en place d’un dispositif pouvant pallier le manque de vente en kiosque et les durcissements du marché publicitaire contre lesquels DDB n’avait rien entrepris jusqu’alors. Mais, trop tardives, ces mesures d’allégement du déficit (le passage d’un rythme de publication mensuel à bimensuel et le passage du prix au numéro de 4,9 € à 7,5 € notamment) décidées en 2012 n’auront pas eu le temps de porter leurs fruits puisque la parution a été interrompue en janvier 2013. Il n’en faut pas plus à la rédactrice en chef, Agnès Izrine, pour estimer sur France Culture que son périodique avait été abandonné. La marque a été rachetée par l’éditeur du magazine Danse à la ligne beaucoup plus traditionnelle et exclusivement portée sur la danse classique.

Pour protester contre cette dérive un certain nombre de ses anciens rédacteurs se sont rassemblés autour de leur rédactrice en chef Agnès Izrine et d’un blog Danser canal historique. Celui-ci tente de poursuivre l’œuvre du magazine et de présenter un certain nombre d’actualités, de critiques, de photographies et de documents liés à l’univers de la danse. Nous reproduisons ici un court texte soulevant des questions que nous jugeons intéressantes et que l’on doit à l’un des journalistes du magazine, Thomas Hahn. Il a été publié pour la première fois sur le blog Microcassandre le 23 août dernier.

"Ecrire sur la danse contemporaine, voilà qui relève désormais du maquis. Comment se fait-il que dans le pays le mieux doté en structures institutionnelles compagnies indépendantes et, surtout, en matière de public, aucun éditeur ne soit prêt à reprendre une revue de danse, la seule du pays à faire dialoguer tous les registres de l’art chorégraphique ? Un journalisme professionnel confrontant la création actuelle à son histoire serait-il encore possible en France ?

Pour le moment, les journalistes de la revue sont réduits à exercer sur tel ou tel blog. S’ils ont créé dansercanalhistorique et acceptent d’écrire sans rémunération aucune, ce n’est pas pour prendre quiconque en otage, mais pour affirmer l’importance d’un dialogue avec la création chorégraphique sous tous les angles. En même temps, cette « résistance », dans sa dimension sacrificielle, pourrait bien contribuer au phénomène auquel elle tente de résister. Ecrire sur la danse, sera-ce bientôt réservé aux retraités et aux conjoints de banquiers ?"

 

* Lire sur nonfiction.fr :
- Quand activisme politique et innovations chorégraphiques se conjuguent, la recension de l'ouvrage Dance is a weapon. NDG 1932-1955 de Victoria P. Geduld par Hélène MARQUIE
- Danses noires sur fond politique, la recension de l'ouvrage Danses noires, blanche Amérique de Susan Manning par Hélène MARQUIE
- L'art chorégraphique moderne est-il toujours de la danse ?, la recension de l'ouvrage Danse, art et modernité au mépris des usages de Roland Huesca par Flore MARECHAL