"Il y a aujourd’hui trois difficultés majeures pour les revues : la présence importante dans les librairies et kiosques, l’augmentation des coûts postaux et l’érosion du nombre d’abonnés. Du coup, certaines revues jettent l’éponge", introduit Philippe Babo du CNL, en ce début d’atelier.

"En résulte certaines craintes : peur de la dématérialisation, de la perte d’individualité, et surtout de la perte d’abonnés au papier" ajoute-t-il. "En 2002/2003 arrivent les premières aides à la numérisation avec la formule DVD. Le Débat, La Quinzaine Littéraire, Europe, Esprit ou Multitudes en ont profités." Pour lui, "Le CNL sert souvent de conseiller dans cette démarche de numérisation, et le partenariat avec Cairn a aidé 220 revues depuis 8 ans, grâce à 950 000€ d’aides". "Aujourd'hui, l’heure est à la réflexion pour trouver de nouvelles aides, comme la traduction par exemple", conclu-t-il.

Marc Minon, du portail cairn.info, explique ensuite que leur démarche est souvent mal comprise par les revues. En effet leur aide concerne la numérisation des numéros jusqu’en 2001, mais ne concerne pas les numéros antérieurs à cette date : "On récupère les sources électroniques qui servent à la revue papier, mais avant 2001 il y en a très peu, c’est essentiellement du scan papier qu’il faut effectuer, ce n’est pas forcément cher mais pas du tout pratique." Un intervenant du Journal des Anthropologues pose la question : "Donc on doit choisir nous-même comment numériser. Mais quel est le modèle de numérisation ? Y-a-t-il une circulation du profit généré par la numérisation ?" Pour Marc Minon, "Quand il y a une mise en ligne, suite à l’accord contractuel avec les maisons d’édition, les coûts de conversion rétrospectifs et les coûts de conversion 'actuels' sont différents. Un tiers sont pris en charge par Cairn, un tiers par les maisons d’édition et un tiers par le CNL. Trente revues ont adopté les articles gratuits, et 330 ont adopté les articles payants ou semi-payants. Et les deux-tiers du chiffre d’affaires de CAIRN sont retournés aux éditeurs, car les fichiers numériques ne nous appartiennent pas."

Du côté de la revue Multitudes, Yann Moulier-Boutang tient préciser : "Nous n'avons pas 'décidé' de numériser, car c’est dans les gênes de la revue. Nous mettions déjà des articles en ligne référençables facilement, sous forme de Creative Commons. La numérisation était planifiée, et on a expérimenté la question des droits. On est passé d’une économie gratuite à payant, car il faut maintenant payer les salaires. En 2007/2008 nous avons lancé Anthologie Multitudes qui permettait à partir du papier d’avoir un complément web, et cela a bien marché. Mais la migration vers Cairn a posé des problèmes de format, on est passé d’un site web 2.0 à un site beaucoup plus interactif." Yann Moulier-Boutang donne ensuite des conseils pour éviter tout problème : "Le nom de la revue doit être déposé et le site doit être indépendant."

Alexis Lacroix, du CNL, demande aux intervenants qu’est-ce qui, pour eux, a changé depuis la numérisation ?. Pour Marc-Olivier Padis, de la revue Esprit, "L’opération DVD a permis la numérisation sur l’ensemble des fonds, qui nous a permis de sauvegarder les collections. C’est un outil de travail extraordinaire, il permet d’avoir un autre type de rapport avec le lecteur. Cela laisse une grande marge à notre propre offre. Mais cela créé un massif de références où les lecteurs sont perdus, on regrette de vendre à l’unité ce qui a été fait dans un ensemble. Notre bilan de la numérisation est très positif." 

En guise de conclusion, Marc-Olivier Padis  soulève un point : "on a peu parlé du fait que la numérisation suppose de structurer les données, et pas seulement de manière technique"

 

 * Lire aussi sur nonfiction.fr : 
- Les comptes-rendus des autres ateliers de la journée d'étude sur les revues, "Revues en stock", organisée au CNL
- Le compte-rendu de cette journée par Livres Hebdo