Selon Henri Guaino, il est exact que Nicolas Sarkozy a commis quelques erreurs pendant son quinquennat… mais ce n’est pas sa faute !

Conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l’Elysée et plume des "grands discours" de son patron, Henri Guaino n’a pas manqué de publier son journal de quinquennat pour y expliquer que, si les ambitions politiques de son président se sont parfois égarées en chemin, il serait indigne de lui en faire porter la responsabilité. Car durant La nuit et le jour   , la seule priorité du chef de l’Etat était la grandeur de la France. C’est en tout cas ce que nous explique péniblement ce livre assez lourd à digérer, tant par son contenu trop partial que par son style laborieux.

Requiem pour un héros

"On se rendra compte du risque que le pays a pris en écartant une telle intelligence et une telle énergie qui l'avaient si bien protégé pendant cinq ans." Ni plus ni moins, telle est la conclusion d’Henri Guaino face à la défaite électorale de son champion en mai 2012. Ni regret ni remords, le président Sarkozy conserve tout son panache dans son ambition pour la France.

Il a par exemple voulu moderniser l’Etat en lançant la révision générale des politiques publiques, qui devait se traduire par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, afin de faire des économies sur les deniers publics et ainsi redresser le pays. L’auteur précise que cela "ne relevait pas du tout de la logique sacrificielle. Il s'agissait de faire le tri dans les politiques publiques pour éliminer ce qui ne marchait pas et faire en sorte que l'Etat fonctionnât mieux." Certes, on s’aperçoit aujourd’hui que cela n’a pas vraiment fonctionné, mais que voulez-vous ? " La bureaucratie… a fait de la révision des politiques publiques une simple machine à faire des économies dont certaines pourraient bien coûter plus cher qu'elles ne rapporteront."

Magie du verbe : Henri Guaino parvient en quelques phrases à dédouaner son patron non seulement de l'austérité dont il est responsable par les coupes (budgétaires) mais aussi des gabegies constatées par les parlementaires en raison de nombreuses dérives (budgétaires aussi). Esprits chagrins que vous êtes, pensiez-vous vraiment que Nicolas Sarkozy aurait pu faire des fautes ? Impensable !

Mots d’excuses et boucs-émissaires

Car si le quinquennat Sarkozy ne fut pas exempt de petites erreurs, c’est bien sûr au corps défendant de ce dernier. Tout ça, c’est la faute des autres : l’administration, l’Allemagne, Cécila, les agences de notation, les profs, les médias… Une vraie conspiration internationale pour faire échouer celui qui avait pour seule ambition de nous sauver !

Par exemple, que serait devenue la France face à la crise sans son président bouclier ? "On réfléchira à ce que serait devenu le monde si, dans les crises terribles qui l'ont ébranlé, la France n'avait pas pris l'initiative" explique Henri Guaino. "Aucun expert n'a envisagé un seul instant de résister à la pression des agences [de notation]. Ils ne pouvaient pas concevoir une telle transgression. C'est ainsi que, au lieu de faire front ensemble contre les agences, tous se sont soumis à leur diktat de rigueur. Mais le virage a été trop brutal. Ce tête-à-queue de la relance à la rigueur en même temps dans tous les pays a précipité l'Europe dans la récession." Donc le président Sarkozy a bien sa part de responsabilité, non ? Pas du tout !

Tout ça est de la faute d’Angela Merkel : "l'Allemagne serait la première victime d'une déflation européenne qui ferait exploser l'euro. C'est ce que, pendant quatre ans, chaque fois que nous étions au bord du gouffre, nous avons fait valoir aux Allemands. Chaque fois in extremis, l'Europe a évité la catastrophe. Chaque fois l'Allemagne, au dernier moment, a fait le geste qui a retenu l'Europe au bord du vide, mais pas plus… La France a résisté autant qu'elle a pu à la pression en faveur de l'austérité. Mais elle a subi la politique des autres."

L’immense chef d’Etat qu’aurait été Nicolas Sarkozy selon Henri Guaino n’aura donc jamais su impulser un mouvement concerté avec l’Allemagne ni une politique cohérente au sein de l’Europe. L’aveu est de taille, et remet donc en cause tout le reste du propos… Mais ce livre rejoindra peut-être bientôt le panthéon de la littérature du développement durable : il est possible qu’on puisse en recycler une partie du contenu à la fin du mandat de François Hollande, qui devra faire face aux conséquences du quinquennat précédent et aux mêmes difficultés conjoncturelles. La faute aux autres ?