Une belle plongée sous les ors de l’Elysée, riche en anecdotes amusantes mais un peu gâchée par une flagornerie flagrante.

Ancien secrétaire général du groupe France Télévisions devenu conseiller à la présidence de la République pendant les 18 derniers mois du mandat de Nicolas Sarkozy, Camille Pascal a consigné des Scènes de la vie quotidienne à l'Élysée   dans un livre d'environ 200 pages. Immersion intime au coeur du pouvoir, l'ouvrage offre de savoureuses citations de Nicolas Sarkozy et pléthore d'anecdotes sur les us et les coutumes de la vie politique en général et du palais présidentiel en particulier.

Des bons mots mais peu de révélations

On y découvre ainsi des passages hilarants sur les humeurs de Sarkozy, par exemple lorsqu'il réprimande son équipe au sujet d'une rencontre avec Vladimir Poutine, trop courte à ses yeux : "Mais vous avez vu l'heure ? Il est presque 8 heures du soir et vous pensez que je vais appeler le Premier ministre russe, ancien et futur président de toutes les Russies, pour lui dire : 'Allez mon petit Vlad, si tu n'as rien d'autre à faire ce soir, viens donc casser la croûte à l'Élysée. Je dois avoir de quoi faire une omelette à la cuisine' ? Mais je crois que vous êtes fous, complètement fous."

Mais hormis ces citations dignes de dialogues de la troupe du Splendid, on trouve bien peu de révélations dans le livre de Camille Pascal ; le récit est parfois romanesque mais nul secret d'alcôve n'est dévoilé et personne ne s'y fait étriller. On retiendra cependant le récit de "l'hélitreuillage" de Christine Ockrent, en pleine tourmente à France24, et la confirmation d'une petite bidouille politicienne au sujet du plan social de PSA. Ce dernier aurait dû être annoncé pendant la campagne présidentielle, mais Nicolas Sarkozy a réussi à le retarder en mettant brutalement la pression à Philippe Varin (patron de PSA), tout en se moquant ouvertement de lui : "Je ne peux pas croire ce que j'entends dire à propos du plan social qui se prépare chez vous [...] Ce n'est pas difficile de venir me voir, je vais vous expliquer. Lorsque vous êtes au bas des Champs-Élysées, vous prenez la rue de Marigny. Arrivé rue du Faubourg-Saint-Honoré, vous tournez à droite, là vous n'allez pas tarder à trouver une grande porte. Cela s'appelle le palais de l'Elysée [...] Cessez donc de me raconter n'importe quoi."

Une tendance à la flagornerie qui abime l’ensemble

Par contre, on regrettera clairement la tendance thuriféraire dans les portraits de Nicolas Sarkozy. Il devient sous la plume de Camille Pascal une sorte de monarque éclairé, aussi irremplaçable que fulgurant, doté d'un charisme de héros mythologique : "l’ouverture de la porte de son bureau ne laissait pas seulement passer un homme, elle libérait un souffle, une puissance presque animale." Et l'ensemble est bien sûr doublé par des capacités intellectuelles hors normes, l'homme étant capable de méduser la fine fleur des historiens français en leur parlant de la crise géorgienne de 2008 comme un parterre de jeunes prêtres en développant une approche philosophique sur le célibat du clergé.

Enfin, on peut être surpris des couronnes de lauriers tressées à Patrick Buisson, l'inspirateur idéologique et stratégique de la dernière campagne de Nicolas Sarkozy. Il est décrit comme le penseur d’une "théorie politique bâtie sur une profonde connaissance des longs cycles de notre histoire nationale [à l'opposé de] la vulgate politiquement correcte et grossièrement amnésique qui nourrit nos élites." Paradoxe de ce livre très bien écrit mais (trop) complaisant où toutes les élites de droite sont dépeintes comme des êtres d'intégrité et d'intelligence : il aide à mieux comprendre la défaite à l'élection présidentielle de 2012. Néanmoins, tout n'aura pas été perdu pour tout le monde ; l'auteur de cette hagiographie présidentielle a été nommé au Conseil d'Etat juste avant la fin du mandat de son patron.