Conçu comme un guide touristique, le nouvel opus des éditions Gründ est un agréable livre dont les connaisseurs se passeront.

Les éditions Gründ sont bien connues des parents de jeunes enfants, grâce notamment à la collection des contes et légendes de tous pays. La collection "Le Spécialiste", qui forme une sorte de petite encyclopédie hétéroclite, vise un public encore plus large puisqu’on y trouve des ouvrages consacrés aux vins de France, aux arbres, à la plongée, aux chiens et aux chats et à la musique classique… L’opus consacré à l’opéra est publié en partenariat avec l’éditeur DK Adult, qui l’a publié dans sa version originale en anglais, à l’automne 2006.

Au premier regard, ce livre très illustré ressemble à s’y méprendre à un guide touristique, avec huit chapitres destinés à couvrir l’ensemble du paysage, après une rapide introduction.

Dans celle-ci, les deux auteurs américains (Alan Riding est correspondant européen du New York Times ; Leslie Dunton-Downer se présente comme auteure de livrets d’opéra produits un peu partout en Europe… mais nous n’avons pas réussi à en savoir plus) et partenaires réguliers à l’édition (ils ont publié en 2004 un Essential Shakespeare Handbook) y disent – bien banalement hélas - leur amour pour ce genre "excessif" mais qui "fascine les foules depuis des siècles". On partage leur enthousiasme ; on ne souscrira toutefois pas à certaines approximations, comme celle qui attribue aux grands compositeurs l’exigence d’un "bon livret"   . Vraiment ? A moins de considérer que Rossini et Verdi, pour ne prendre que deux exemples, n’entrent pas dans cette catégorie, lire avec un minimum d’attention les livrets d’Il Viaggio a Reims, ou d’Il Trovatore, démontrera la hardiesse du propos.

Les sous-chapitres suivants présentent leur sujet, en cherchant à définir le genre, en évoquant la mise en scène, les salles et les idoles   . Que l’on ne cherche pas un minimum de problématisation ou de réflexion. Certaines pages des Guides Bleus sont plus incisives. Si certaines allusions sont plutôt pertinentes   , les polémiques sur les mises en scène d’opéra, pointées avec intelligence et talent par Ph. Beaussant   ne trouvent qu’un écho discret. Malgré la photo de Pavarotti à Hyde Park en juillet 1991, qui figure en bonne place, on ne trouvera pas non plus une réflexion sur la démocratisation de l’opéra, (faux ?) enjeu politique depuis des décennies. Plus curieux encore, les auteurs passent sous silence l’évolution des goûts et des pratiques de l’opéra. Pour ne parler que du bel canto, le rôle de Maria Callas dans la redécouverte d’œuvres oubliées depuis le XIXème siècle, ou la "Rossini Renaissance" des années 1980, avec une phalange de chanteurs américains comme Marylin Horne, Samuel Ramey, Rockwell Blake ou Lella Cuberli, sont passés sous silence.

Revenons à l’essentiel donc. Après L’opéra pour les nuls sorti à l’automne 2006, voilà "l’opéra pour les touristes". L’iconographie est riche, avec en particulier des photos de spectacles et de chanteurs que l’on retrouve avec plaisir. C’est le point fort de l’ouvrage qui se feuillette agréablement. Le lecteur est invité à se promener parmi les 165 œuvres, présentées en quelques lignes. Bien sûr, chaque amateur regrettera que les œuvres qu’il aime n’y soient pas toutes : Hamlet d’Ambroise Thomas, La Juive de Fromental Halévy ou encore Semiramide, et La Donna del Lago pour le Cygne de Pesaro ont été impitoyablement éliminés. Un peu comme le Michelin, l’ouvrage donne des points de halte au sein des œuvres, marqués par des symboles sensés représenter les airs, duos, trios ou ensembles. Là où le Kobbé   n’hésitait parfois pas à reproduire quelques mesures d’un air fameux, "Le spécialiste" oublie purement et simplement de très nombreux passages que le public attend, révélant une méthode et une rigueur plutôt sommaires. Surtout, pour chaque œuvre, les auteurs auraient dû indiquer la ou les références discographiques et en DVD, désormais incontournables pour des guides de ce genre. Imagine-t-on un guide touristique sans quelques indications sur les ressources hôtelières ?

Le spécialiste, justement, celui qui veut avoir dans sa bibliothèque l’ouvrage de référence qui lui permettra de se préparer au mieux avant une soirée à l’opéra, préférera l’ouvrage de Piotr Kaminsky ((1001 opéras, Fayard]], qui est la référence absolue, plus complète encore que le Kobbé et délivrant des conseils discographiques pertinents. L’ouvrage édité par Gründ fera, quant à lui, un très joli cadeau pour le petit neveu qui ne connaît rien à l’opéra et que le grand oncle cherche à convaincre que tout n’y est pas ringard !


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crédit photo : Maik Rakde / flickr.com