Le sociologue Jean-Paul Fourmentraux vient de publier un ouvrage sur lequel nous reviendrons la semaine prochaine : Artistes de laboratoire, Recherche et création à l’ère numérique, Paris, Hermann, 2012. Cet ouvrage fait l’objet d’une brève considération portant sur le thème arts et sciences dont nous souhaitons extraire ici l’essentiel pour nos lecteurs.

C’est Pierre-Michel Menger qui propose l’analyse suivante :

Dans le travail arts et sciences se réalisent des tandems : un artiste plasticien collabore par exemple avec un doctorant en intelligence artificielle du laboratoire d’Informatique de l’Université de Paris 6. En résultent, remarque l’auteur, d’une part une thèse d’informatique sur les systèmes multi-agents traitant des flux de données numériques telles que les données météorologiques, et, d’autre part, une série d’oeuvres et d’installations artistiques, issues d’un dispositif informatique interactif créateur d’un écosystème artificiel dans lequel les formes survivent si elles sont capables d’adaptation, le Jardin des Hasards. Au terme de l’élaboration du projet cependant, remarquent à la fois J-P. Fourmentraux et P-M. Menger le projet artistique n’a pas emporté l’adhésion, alors que la thèse d’informatique a valu à son auteur un emploi universitaire.

C’est dire si l’approche enchantée des rapports arts et sciences doit être nuancée à tout le moins.

Et P-M. Menger ajoute encore.

« Nous voici en mesure de trouver une (deuxième) réponse à une question posée. La relation de collaboration entre un artiste et un chercheur scientifique est complexe : le projet paraît avoir plus de chances d’être original et fécond si chacun s’y implique sans calculer immédiatement ce qu’il lui en coûte de dévier du cours ordinaire de son travail dans son monde professionnel propre et de consentir à des investissements qui ne sont pas assurés d’être cumulatifs, reconnus et valorisables. Mais les gains ou les pertes peuvent être distribuées asymétriquement ».

Autant dire que la distinction habituelle s’estompe entre la création artistique, génératrice d’oeuvres qui sont des biens finals, des réalisations uniques et closes sur leur identité distinctive, et la recherche scientifique, qui ne produit que des biens intermédiaires, des connaissances destinées à être absorbées dans d’autres connaissances ou dans des applications techniques.

Ce qui, d’une certaine manière ne confirme pas nécessairement la citation suivante extraite de l’ouvrage de Jean-Marc Lévy-Leblond, La science n’est pas l’art, Brèves rencontres..., Paris, Hermann, 2010 : « Il ne s’agit plus de faire converger Art et Science dans un illusoire projet commun global, mais de permettre la confrontation entre un artiste et un scientifique, en un lieu et un moment déterminés, à propos d’une œuvre ou d’une idée – et que chacun poursuive son chemin propre. C’est en acceptant leurs singularités et leurs différences, et à partir d’elles, que l’art et la science peuvent s’enrichir mutuellement ».

A dire vrai, ce qui sépare les uns et l’autre, ce sont des perspectives décalées. L’une est constative et l’autre normative. C’est évidemment une différence à approfondir.