Alors que des islamistes d’Ançar Eddine, un des groupes armés contrôlant le nord du Mali, reprenaient aujourd'hui la destruction méthodique des mausolées de Tombouctou, la communauté internationale s’inquiète du sort qui sera réservé aux dizaines de milliers de manuscrits que renferment les bibliothèques privées de Tombouctou. Fondée au XIe siècle, la ville est rapidement devenue un centre intellectuel, économique et culturel rayonnant.
Pendant des décennies, des scribes ont copié sur des omoplates de chameau des manuscrits apportés par des marchands ou des savants. Les textes aujourd’hui conservés remontent jusqu’au XIIe siècle, et constituent un trésor inestimable de la culture islamique. Ils sont pour la plupart écrits en arabe ou en peul et traitent de thèmes extrêmement variés, de la généalogie à la musique en passant par la botanique et l’anatomie. Ces textes étaient déjà menacés par de mauvaises conditions de conservation et par le trafic de collectionneurs ; la mainmise d’AQMI (Al-Qaeda au Maghreb islamique) sur la ville constitue un autre danger pour ces trésors documentaires dans la mesure où les djihadistes, qui les considèrent comme impies, pourraient les détruire ou les revendre aux quatre coins du monde.
Le 18 juin, les bibliothèques de Tombouctou ont publié un communiqué dans lequel elles affirment que les détenteurs de manuscrits n’auraient pas été intimidés par les djihadistes, mais elles soulignent aussi que la présence de groupes armés les met en danger.
D’après Jeune Afrique, des collectionneurs privés se seraient organisés pour cacher des manuscrits. Environ 8000 d’entre eux se trouveraient actuellement en lieu sûr. Une mobilisation qui s’expliquerait aussi par les secrets de famille que contiennent les manuscrits : outre les ouvrages savants, ils compilent des correspondances, des listes comptables, des relevés administratifs, parfois des journaux intimes que les familles ne souhaitent pas divulguer au grand jour.
Les experts comptent sur le fait que ces caisses de documents précieux sont considérées comme un trésor par la population touarègue. S’y attaquer, même au nom de la charia, reviendrait à s'aliéner une grande partie de la population locale, ce que les nouveaux maîtres de Tombouctou ne souhaitent sans doute pas