Un recueil qui définit le rôle, la fonction et la pertinence des “fictions populaires”.
Le recueil publié par les éditions Classiques Garnier fait un état de la recherche théorique sur les “fictions populaires”. La question, dont cet ouvrage envisage d’être une ébauche de réponse, est celle de la fiction populaire à travers les âges, depuis le roman de Renart du XIIe siècle aux séries télévisées du XXIe siècle. La première interrogation porte sur le terme même de “fiction” qui serait plus englobant qu’un terme comme “roman” ou “littérature”. Les auteurs penchent pour celui de “fiction” qui permettrait de faire se rejoindre les recherches sur des périodes non couvertes par le terme de “roman” ou de “littérature” populaire.
L’ouvrage tente de faire des relations thématiques et d’organisation concernant la production du texte populaire. Le phénomène de fiction de grande diffusion a souvent été étudié de manière éparse, mais la mise en perspective dans un même ouvrage reste très rare. L’idée est de faire des passerelles entre les siècles et entre les disciplines, en s’appuyant sur les études historico-littéraires, pour étudier théoriquement et littérairement cette production populaire de grande diffusion.
Les trois chercheurs qui sont les directeurs de ce recueil sont, à divers titres et chacun de leur côté, des spécialistes d’une matière littéraire : histoires tragiques, romans de mœurs et littérature arthurienne. Ils ont fait appel aux spécialistes de la fiction populaire afin d’effectuer la mise en perspective qui sert de ciment à l’ouvrage. Il semble d’ailleurs très profitable de mettre en commun et d’ouvrir les recherches à d’autres axes : l’historique et le générique, par exemple. En revanche, la volonté d’ouvrir le champ du populaire risque aussi d’en diminuer la portée. Si on ne tient compte que des critères internes, sans se préoccuper des conditions de production, le populaire peut être partout.
Les résultats de ces travaux rendent une richesse théorique d’autant plus grande que le champ du populaire reste toujours méprisé et inexploité, même si certains grands chercheurs présents dans ce recueil se sont chargés de porter le populaire (fictions, romans) sur des fonds baptismaux légitimants.
Le contenu de cet ouvrage amène quelques surprises agréables. Des chercheurs confirmés, comme Daniel Couégnas ou Raphaël Baroni, prennent les lecteurs à contre-pied en revenant à leurs premières amours : le gothique anglais, pour Couégnas, la définition possible ou impossible du roman populaire, pour Baroni. Les dernières contributions portent sur des genres populaires dont l’accès à la légitimité est encore plus difficile : la télévision, la science-fiction ou le roman de mœurs, père du roman sentimental.
Finalement, c’est un recueil de contributions très pertinentes et souvent originales. Et comme le propos est très important du point de vue théorique, on attend maintenant une reprise de ces ouvertures sur la théorie dans plusieurs autres ouvrages s’intéressant à chaque perspective proposée. Et on souhaite à cette entreprise une suite de même qualité et de même hauteur de vue