Kunstenfestivaldesarts : ce mot valise typiquement belge signifie "festival des arts" à la fois en néerlandais et en français.   Créé en 1994, il se tient chaque année au mois de mai à Bruxelles et s’impose comme un important évènement de la création contemporaine dans le domaine du spectacle vivant. Du 4 au 26 mai, 32 projets sont présentés dans 22 endroits différents de la ville, théâtres et centres d’art.

Ce festival, bilingue et transcommunautaire, fait figure d’exception en Belgique, où la culture est de la compétence des Communautés linguistiques, donc strictement séparée entre sphère flamande et francophone. Ici, l’organisation est bilingue et tous les spectacles sont surtitrés dans les deux langues. Cette pratique est assez rare : à cause de la séparation des réseaux de financement de la culture, il y a une imperméabilité quasi totale entre les deux sphères culturelles. Un spectateur francophone aura très peu de possibilités de voir un spectacle flamand, et vice versa… A Bruxelles, où ces deux mondes cohabitent dans la même ville sans se parler, cette frontière invisible est encore plus criante : le "kunsten", comme on le surnomme, est né en 1994 de l’envie de les rapprocher.

Résolument bruxellois, le festival se définit comme urbain et cosmopolite. L’ouverture initiale belgo-belge s’est étendue vers l’ailleurs, avec une volonté de mettre en avant la création contemporaine de tous les continents en dépassant un eurocentrisme à la peau encore dure. "Les espaces qui s’intéressaient à la création ailleurs dans le monde existaient, explique Christophe Slagmuylder, le directeur du festival, mais ils cherchaient surtout un côté traditionnel. Nous avons voulu savoir ce que voulait dire la modernité hors d’Europe."

Cette année, les spectacles présentés proviennent de 16 pays. Parmi eux, on peut voir une création de Faustin Linyekula, un chorégraphe congolais. Avec le Ballet de Lorraine, il monte le spectacle La Création du monde, "fantaisie négro-cubiste" dansée pour la première fois à Paris en 1923, en pleines années folles, période de fascination pour une Afrique encore coloniale. Présenter ce spectacle aujourd’hui permet d’interroger les rapports entre les deux continents. Le festival ne définit pas de thème préalablement à sa programmation, mais chaque année, au fil des choix, des thématiques principales se dégagent ; en 2012 se dessine une réflexion sur l’Europe en crise et ses relations avec le monde. Le regard sur une Afrique hors des clichés s’affiche aussi dans la dernière création du collectif allemand Rimini Protokoll. Dans la lignée de son théâtre documentaire, il propose dans Lagos Business Angels un dialogue des cultures en forme de spectacle/rencontre avec des businessmen nigérians.

A travers ces choix, le Kunstenfestival se pose un objectif d’exploration du spectacle vivant contemporain dans ses liens avec le monde d’aujourd’hui. Un monde composé d’un "réseau complexe de communautés qui rend les clivages territoriaux, linguistiques et culturels de plus en plus poreux."   et où "la ville est l’environnement par excellence qui rend cette identité cosmopolite visible." C’est d’autant plus vrai à Bruxelles, capitale d’un pays où coexistent en mosaïque différentes identités, et carrefour de l’Europe