Alors que le taux de chômage a connu une hausse continue en Espagne durant huit mois, il atteint aujourd’hui 24,44% de la population active selon l’Institut national de la statistique (INE), soit le taux le plus élevé de chercheurs d’emplois dans le monde industrialisé. Un jeune espagnol sur deux est sans emploi. Les plus touchés sont les jeunes qui rentrent sur le marché du travail, ceux qui s’appellent eux-mêmes la "génération perdue".

Avec peu d’expérience, ses membres sont plus fragilisés que leurs aînés qui possèdent encore – pour ceux qui n’ont pas été licenciés ou n’ont pas vu leur entreprise faire faillite – un emploi.

 

Une situation économique critique

Madrid n’est pas près de relancer la croissance avec des mesures budgétaires de 42 milliards d’euros d’économies cette année. Le pays est rentré dans le cercle des pays moribonds de l’Europe, suivant de peu une Grèce en pleine crise politique.

Le pays a plongé dans la récession au premier trimestre 2012, avec un recul du PIB de 0,3%. La première récession avait débuté en 2008 lors de l’éclatement de la bulle immobilière. Les banques espagnoles sont actuellement sujettes à un audit afin de savoir si l’Etat doit les réapprovisionner cette année.

 

Partir pour pouvoir travailler

Des milliers de jeunes partent à l’étranger. Ils s’expatrient en Amérique du Sud – surtout au Brésil où la croissance crée chaque jour de nouveaux emplois, mais où les conditions de travail sont moins favorables –, aux Etats-Unis, au Canada ou en Europe, principalement en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France.

Cristina Velar, une jeune femme de 29 ans, est titulaire d’un Master en marketing et publicité. En Espagne, son diplôme ne trouvait pas de débouchés, alors elle a décidé de venir s’installer à Toulouse. Devenue assistante pédagogique dans un lycée de la ville, elle affirme que : "La différence entre la France et l’Espagne, c’est qu’ici il y a des offres d’emplois, et que là-bas, il n’y en a pas". Elle n’est pas la seule à être venue chercher un emploi en France, abandonnant sa famille dans la péninsule ibérique. Ismael Flores, un Catalan de 29 ans également installé à Toulouse, explique avec fatalisme : "On ne trouve pas en Catalogne, alors on cherche en Espagne, puis en Europe". La situation de ces migrants n’est pas tendre. Ils enchaînent stages et petits boulots, avant de retourner visiter – quand ils le peuvent – leur famille restée au pays.

Ceux qui n’ont pas le courage ou l’opportunité d’aller chercher un emploi à l’étranger ne sont guère mieux lotis. Chômeurs de courte ou longue durée, ils ont peu d’espoir d’arriver à s’insérer un jour sur le marché du travail. Leurs diplômes ne les mènent nulle part et beaucoup d’entre eux ont dû retourner vivre chez leurs parents faute de pouvoir se payer un logement. Ils vivent grâce à l’aide de leur famille. Ils ne peuvent plus s’émanciper, à moins de quitter l’Espagne. Ils forment la base du mouvement dit des "Indignados".

 

Le 15M, entre indignation et solidarité

La jeunesse espagnole exprime sa colère à travers le phénomène des "Indignés". Un an après la première manifestation du 15 mai 2011, ils sont des milliers à avoir envahi la Puerta del Sol à Madrid pour dénoncer les abus des acteurs de la finance, la montée du chômage et la précarité. Du 12 au 15 mai, les forces de l’ordre sont intervenues chaque soir à Madrid pour évacuer la place. Chaque matin, les manifestants sont revenus prendre leurs marques. Ils se sont manifestés par dizaines de milliers dans 80 autres villes espagnoles.

Ils représentent également un vaste élan de solidarité. Ce mouvement s’est mué durant l’année 2011-2012 en véritable collectif. Le 15M milite contre les expulsions des familles qui ne peuvent plus payer leur loyer, avec un succès grandissant. Leur parole est relayée sur les réseaux sociaux, les blogs et les Web télévisions. Le 15M s’attaque également au pouvoir financier. Ils ont manifesté récemment devant plusieurs banques espagnoles afin de demander un changement de méthodes de la part des banquiers, jugés trop arrogants et irresponsables.

Ce mouvement représente une nouvelle forme de démocratie. Ces représentants d’une génération frustrée, qui se sent "oubliée", agissent au niveau local. Ils forment une organisation horizontale rejetant les responsables politiques qui, selon eux, ne les représentent plus

 

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- Notre dossier sur "Le renouveau des pratiques démocratiques".