Le Québec connaît la grève étudiante la plus longue de son histoire. Elle a débuté le 13 février en protestation contre la hausse des droits de scolarité de 2.168 $CAN à 3.793 $CAN par an, étalée sur 5 ans, annoncée par le gouvernement québécois.   Les organisations étudiantes ont été rejointes dans leurs revendications par plusieurs groupes et syndicats, notamment d’enseignants. Le point d’orgue des actions de protestation a été l’énorme manifestation du 22 mars qui a rassemblé environ 200.000 participants arborant le carré de tissu rouge, symbole de la contestation. À l’échelle des 8 millions d’habitants du Québec, c’est énorme ; la dernière marche à avoir regroupé une telle foule était celle contre la guerre en Irak, en 2002.

Depuis une semaine, des centaines d’étudiants défilent chaque soir à Montréal. L’essentiel des manifestants sont pacifiques, mais en réponse aux actes de vandalisme commis par une minorité la police déclare les manifestations illégales dès les premiers débordements. Elle procède chaque jour à des arrestations en masse et dégaine facilement grenades lacrymo et bombes au poivre.

Après 11 semaines de grève pour certaines facultés, la situation semble bloquée. Les négociations entamées le 23 avril entre la ministre de l’Education Line Beauchamp et les trois organisations étudiantes ont été rompues. La ministre a exclu des discussions le groupe le plus radical, la CLASSE   . Elle lui reproche de ne pas condamner formellement les violences commises lors de certaines manifestations. Les deux autres organisations étudiantes, la FECQ   et la FEUQ   refusent de négocier sans la CLASSE et se sont retirées également. Elles accusent le gouvernement de jeter de l’huile sur le feu.

Le gel des négociations provoque une prolongation de la grève et des actions. De nombreuses voix dénoncent la tournure que prennent les évènements et demandent à la ministre de mettre fin aux troubles en adoptant un moratoire qui repousserait l’application de la réforme à l’année prochaine ou en engageant un médiateur, ce qu’elle refuse.

Si les droits d’inscription sont déjà nettement plus élevés au Québec qu’en Europe continentale, la province faisait figure d’exception en Amérique du nord : aux Etats-Unis, les droits de scolarité sont en moyenne de 6.312 $ et dans le reste du Canada, de 3.774 $.   En augmentant de façon si importante et si brutalement les frais de scolarité, le Québec s’aligne sur le reste du Canada et renonce à une vision de l’éducation plus européenne comme bien de service public, aux frais modérés, pour se rallier au modèle américain utilitariste. Pour contrebalancer la réforme, le gouvernement propose d’investir 35 millions de dollars canadiens pour les bourses et les prêts. Le seuil maximum de revenus pour l’accès aux bourses passerait de 35.000 $CAN à 45.000 $CAN. Vendredi, la ministre de l’Education a offert d’étaler la hausse sur sept ans au lieu de cinq. Pour les étudiants, c’est insuffisant : ils veulent discuter la hausse elle-même et demandent la reprise de négociations en bonne et due forme.

Durant les trois années précédentes, deux mouvements étudiants d’ampleur comparable ont vu le jour, au Chili et au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a connu d’importantes manifestations en décembre 2009, lorsque les frais d’université ont quasiment triplé, passant de 3.290 livres à 6000 voire 9000 livres. Le parlement n’a pas reculé, la réforme a été entérinée. En 2011, c’est au Chili que se mettait en branle un important mouvement étudiant réclamant une réforme du système éducatif, financé seulement à 25% par l’Etat. Le mouvement a fini par s’essouffler après des mois d’actions, sans avoir obtenu gain de cause. Aujourd’hui, le mouvement au Québec confirme l’importance des revendications étudiantes dans la contestation sociale, dont ils continuent à se faire les figures de proue. Il commence à attirer l’attention des médias internationaux    mettant une pression supplémentaire sur le gouvernement libéral de Charest, moins de deux ans avant la fin de son mandat


* À lire également :
- L’article de slate.fr Montréal à l’heure du printemps érable
- Le dossier de La Presse sur le conflit étudiant pour les dernières évolutions 

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- Le tag #manifencours
- Des journalistes sur le terrain
- Le compte de la police, qui tweete en direct pendant les manifestations