Petit manuel à l’usage du citoyen pour tenter de comprendre le fonctionnement du lobby bancaire.

Voilà une publication qui rafraîchit le débat sur la régulation financière. Son éclairage est tout à fait inédit : on connaissait les analyses critiques de la crise réalisés par des économistes hétérodoxes, les ralliements tardifs d’économistes antérieurement apologues de l’autorégulation des marchés, les confessions de repentis de la finance, mais pas encore les positions d’un député européen, vice-président de la commission spéciale sur la crise financière du Parlement européen, qui a affaire régulièrement aux lobbyistes bancaires de la planète.

L’intérêt de ce petit ouvrage   , réside en effet en ce que son auteur, Pascal Canfin, est bien placé pour nous décrire l’envers du décor financier. Et il le fait avec un méritoire souci pédagogique. Avec ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire, le lecteur est plongé in medias res dans les arcanes du pouvoir. Un certain nombre d’anecdotes tout à fait savoureuses et parfois désopilantes démystifient le discours des banques. Sont ainsi passées au crible les affirmations ressassées d’une soi-disant vertu des banques françaises par rapport aux autres   ; tout comme les prises de position alarmistes des banques servies à chaque tentative de leur imposer davantage de réglementation   . P. Canfin discute une à une ces propositions et démêle avec efficace le vrai du faux à travers un propos clair. 

Loin d’être à charge, le livre vise à rétablir un certain nombre de vérités tout en restant nuancé. Car son enjeu est non pas de tirer à boulets rouges sur les banques ou la finance, mais bien au contraire de souligner la nécessité de ce secteur dans des économies de marché développées, ce qui exige précisément de l’encadrer afin qu’il remplisse au mieux sa fonction qui est en même temps sa raison d’être : servir l’économie réelle – et non l’inverse.

Mais contrairement à ce que le titre de l’ouvrage laisse penser, les banques ne sont pas le seul enjeu de ce livre. C’est tout une analyse des marchés financiers et des protagonistes qui s’y affairent   qui est déployée   . De là émergent logiquement "10 mesures pour changer la finance"   .

Eu égard au format resserré du livre   , il ne faut évidemment pas s’attendre à une description minutieuse du fonctionnement de la finance actuelle. Ce n’en est d’ailleurs pas le but, et le lecteur devra se porter vers d’autres ouvrages ou articles spécialisés pour compléter le propos. On regrettera, en particulier, que ne soit pas distinguées, derrière le terme générique des "banques", les banques capitalistes des banques coopératives. Certes, ces dernières sont allées se mouiller dans les recoins les plus obscurs de la finance de marché et ont dévoyés progressivement leur éthique initiale ; mais des disparités existent aussi bien en matière d’implication dans les produits financiers toxiques et la spéculation, que de répercussions de la crise   . D’ailleurs, parmi les 10 mesures suggérées, l’idée de développer voire d’étendre le système mutualiste à l’ensemble du secteur bancaire n’est pas même discutée. Par ailleurs, l’évaluation des impacts de telle ou telle mesure reste parfois vague   .

Reste que ce petit texte a le mérite de dresser un état des lieux cinglant du lobbying financier aujourd’hui et participe de façon salutaire au débat publique et à l’information du citoyen. Il faut à cet égard mentionner que Pascal Canfin est l’initiateur, avec d’autres députés européens, du contre-lobby "Finance Watch" fondé en 2011. L’intérêt d’une telle organisation, pensée comme un véritable contre-pouvoir, est présenté dans la sixième partie. La huitième et dernière partie du livre est un plaidoyer original et convaincant en faveur d’une implication active de la société civile dans le contrôle de la finance.

Bref, un livre vif qui remet certaines idées en place avant les prochaines échéances électorales