Ce mercredi 11 avril, le Tribunal de Grande Instance de Paris a reçu une assignation toute particulière. Le syndicat des avocats de France, l’ONG Open Society Justice Initiative   et le collectif Contre le contrôle au faciès ont déposé une assignation contre le ministère de l’Intérieur et par ricochet l’Etat, auteur selon eux de pratiques discriminatoires lors de contrôle d’identité. Ils représentent dans cette démarche quinze français âgés de 16 à 47 ans, ayant pour point commune leur couleur de peau : ils sont " noirs" ou " arabes".

Cette action avant tout symbolique vise néanmoins à interpeller le débat public sur des pratiques policières peu scrupuleuses. Un rapport effectué 2009 par des chercheurs du CNRS et financé par l’ONG Open Society démontre que lors de contrôles d’identité,   la neutralité des forces de l’ordre est sujette à caution lorsqu’il s’agit de personnes " noires" ou " arabes". Dans leur étude, les chercheurs dont Fabien Jobard, directeur du CESDIP   , soulignent que les contrôles d’identité dont font l’objet des personnes " noires" ou " arabes", ne sont pas exclusivement fondés sur les comportements des intéressés, mais davantage sur des " mécanismes discriminatoires".

Ces propos étant appuyés par des données statistiques, désormais il est possible d’assigner l’Etat pour " contrôles injustifiés et discriminatoires". Cette entreprise renverse une tendance, jusque-là bien huilée. Le ministère de l’Intérieur a longtemps opposé une rhétorique implacable consistant à se dédouaner de toutes responsabilités dans ces pratiques de contrôle d’identité humiliantes et infamantes. L’argumentaire déployé s’appuie surtout sur une absence d’enquête de terrain permettant d’établir l’existence de la réalité de tels contrôles au faciès.
Aujourd’hui les données ne sont plus tout à fait les mêmes. Le ministère de l’Intérieur a peut-être perdu la main ? Les enquêtes menées par le CESDIP et d’autres organisations délivrent des données statistiques fiables. Forts de soutiens et des réalités établies, quinze personnes ont pu assigner L’Etat pour discrimination raciale. C’est maintenant au ministère de l’Intérieur de prouver que les contrôles d’identité incriminés sont fondés sur un motif légal.

L’usage du droit dans cette affaire n’est pas seulement lié au sort de ces quinze individus qui ont franchi le pas. Il s’agit d’une utilisation de plus grande envergure où l’outil juridique fonctionne comme ressource de mobilisation pour la reconnaissance d’un véritable problème de société. Le premier article de la Constitution de la Vème République rappelle que " [la République Française] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion", il est possible que le mot " race" n’ait pas sa place dans cet article. Mais n’y a-t-il pas plus urgent qu’une révision constitutionnelle, n’est-il pas plus important d'agir sur les mécanismes qui sous-tendent ces discriminations ?

 

*A lire également :

- L’article de Didier Fassin sur Lemonde.fr : Les contrôles au faciès sont-ils condamnables ?