Pierre Drieu la Rochelle fera, le 20 avril, son entrée dans la Pléiade . Il y rejoint notamment Proust, Camus ou le récemment intronisé Kundera. Son inclusion à la prestigieuse collection de Gallimard ne manque pas de faire grincer des dents : antisémite, collabo, fasciste… le moins qu’on puisse dire est que le personnage exhale une odeur de soufre.
Pro-européen , anti-moderne, il est dès 1934 séduit par le régime hitlérien. En 1936, il adhère au PPF, le Parti Populaire français, avec lequel il rompt en 1939. En 1940, la NRF, Nouvelle Revue Française, renaît sous sa direction après quelques mois d’interruption. Débarrassée de ses auteurs juifs et communistes, elle est pendant les trois ans qu’il passe à sa tête un organe collaborationniste. Elle cesse de paraître en 1943 ; il faudra dix ans pour que le sceau infâmant s’estompe et que, à nouveau sous l’égide de Jean Paulhan, la revue renaisse de ces cendres.
Dès 1943, Drieu sent le vent tourner ; on lit dans son journal un tourment profond. Il n’abandonne pas ses idées fascistes, adhère à nouveau au PPF et confesse dans le même temps dans son journal une admiration pour Staline. Il rate deux tentatives de suicide en 1944 et parvient à mettre fin à ses jours en avalant du gardénal en mars 1945, alors qu’il était sur le point d’être capturé.
Gallimard n’a pas inclus dans son édition Pléiade le journal de Drieu, paru en 1992, et lieu de ses assertions les plus nauséabondes, notamment en matière d’antisémitisme. La collection a choisi d’imprimer sur son mythique papier bible l’œuvre littéraire de Drieu sous le titre Romans, récits, nouvelles. On y trouve entre autres son recueil de nouvelles La comédie de Charleroi et ses deux romans les plus connus, Rêveuse bourgeoise et Gilles. Ce dernier, paru en 1939, est considéré comme son chef d’œuvre : Gilles, sorte de double et reflet déformé de Drieu, lui permet de présenter une version exagérée de lui-même et de son entourage. Qualifié de roman de la haine de soi, idéologiquement tendancieux , il permet d’appréhender la complexité du personnage de Drieu et donne un certain regard sur les affres de l’époque.
Notons qu’il aura fallu presque soixante ans pour que cet enfant maudit de la maison Gallimard rejoigne la Pléiade. Le débat qui agite les milieux littéraire sur le cas Drieu n’est pas sans rappeler les discussions à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Céline en juillet dernier ; à la différence que si Drieu n’a produit aucune œuvre de la richesse du Voyage au bout de la nuit, on ne parle pas ici d’une célébration nationale publique, mais d’une mise à l’honneur purement littéraire
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