Mohamed Merah, l’auteur des tueries qui ont fait sept morts à Toulouse et à Montauban, s’est revendiqué d’Al-Qaïda. Il a séjourné en Afghanistan et au Pakistan et est, selon le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, proche d’un groupe d’idéologie salafiste. Mais il n’a vraisemblablement pas agi sous la supervision d’un groupe quelconque : François Molins, le procureur de Paris, l’a présenté comme un exemple d’"auto-radicalisation salafiste atypique". Qu’est-ce que cela signifie ? Merah est-il un agent d’Al-Qaïda ou un forcené isolé ?

Le salafisme est un courant rigoriste du sunnisme   qui prêche pour un retour aux racines de l’islam en s’appuyant sur une lecture littérale du Coran   . C’est un mouvement fondamentaliste. Il s’est développé en France à la fin des années 90, dans une population assez jeune. Outre la jeunesse d’origine maghrébine et africaine, il compte un assez fort pourcentage de convertis. Les salafistes étaient estimés à 12.000 en 2010 et comptaient une trentaine de lieux de culte. L’immense majorité est non-violente : un infime pourcentage seulement bascule dans le jihad, la guerre sainte.

Ce jihadisme semble être lui-même en déclin. Des groupes radicaux en lien avec Al-Qaïda dans la zone afghano-pakistanaise continuent à disposer de camps où viennent notamment s’entraîner de jeunes occidentaux, mais Al-Qaïda est sujet à des divisions internes. Les révolutions arabes ont fait perdre énormément de puissance au salafisme jihadiste : c’est la mouvance des Frères Musulmans qui en sort grandie, que ce soit en Egypte ou en Tunisie avec Ennahda. Ils sont les pires ennemis des salafistes, qui ne leur pardonnent pas d’intégrer la démocratie à leur idéologie.

En France, de nombreuses cellules salafistes ont été démantelées entre 2002 et 2005 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Dans une interview donnée à Libération   , le sociologue franco-iranien Farhad Khosrokhavar affirme que s’il y a encore des réseaux Al-Qaïda en France, "ce sont des cellules dormantes qui ont échappé à la vigilance de la police. (…) Le tueur a pu avoir des liens idéologiques avec des groupes néo-salafistes, mais il s’est organisé de façon solitaire." Mohamed Merah s’inscrit dans la dynamique d’individualisation du terrorisme.

Sa solitude apparente n’exclut pas des complicités : de nombreux éléments dans la démarche de Merah induisent qu’il n’a pas agi totalement seul. Il s’est bien rendu au Pakistan et en Afghanistan, où le procureur de Paris a admis qu’il avait été formé. Comme Claude Guéant l’a indiqué, il était en lien avec des salafistes en France, notamment son frère, dont les actions et le lien éventuel avec une filière restent à préciser. Le nombre d’armes que Mohamed Merah avait en sa possession pose question : comment a-t-il pu se les procurer ?

Il n’a cependant par été supervisé directement par un groupe. Merah l’a dit : il a pris la décision et agi seul. Le terrorisme islamiste aujourd’hui n’est pas un bloc unitaire, obéissant à une idéologie définie avec un plan d’attaque précis. Cela rend les formes d’action solitaire comme celles de Merah d’autant plus difficiles à cibler et neutraliser

 

* À lire également :
- L'article du Monde Mohamed Merah, un membre actif de la mouvance djihadiste internationale
- L'article de State.fr C'est quoi un salafiste (français) ?