Depuis le veto que David Cameron, en décembre dernier, a opposé à la modification du Traité européen à Bruxelles, les relations franco-britanniques restent pour le moins houleuses. En France comme outre-Manche, la presse s’est amusée à dépeindre le jeu de séduction-répulsion qui a toujours sous-tendu les relations entre Sarkozy et Cameron. La crise européenne ne fait que mieux en dévoiler les mécanismes. Voici quelques éléments d’analyse du côté britannique.
Après avoir rejeté les modifications proposées par Nicolas Sarkozy sur les transactions financières européennes, David Cameron est acclamé par les conservateurs de sa majorité. Le 11 décembre 2012, le Daily Mail n’hésite pas à le porter aux nues : “Defiant Cameron stands up to Euro bullies…” . The Express renchérit: “Europe holds its breath : its make or break as Cameron pledges to ‘fight for Britain’” . On ne s’étonne plus des termes épiques et références guerrières dans les gros-titres des quotidiens… Un clin d’œil ironique à la Guerre de Cent Ans ? Pour mieux accentuer le clivage anglo-européen, la presse britannique continue d’alimenter l’opinion de satires. Comme thème de prédilection, elle a choisi les amourettes du couple “Merkozy”. Début décembre, The Telegraph ose même le parallèle : “First there was Tomkat, then there was Brangelina and finally, there was Merkozy” .
La crise diplomatique n’en est alors qu’à ses prémisses. On connaît la célèbre réaction en off de Nicolas Sarkozy suite au veto de David Cameron : il l’aurait traité de “gamin bûté”. Une sorte de bombe à retardement après que Cameron a, un jour, osé critiquer la taille du président français ? Puis la “guerre des mots” se propage dans les gouvernements respectifs, incessamment relayée par la presse : “Even europhile Nick Clegg thinks France has gone too far” titre le Daily Mail suite à la critique du ministre des Finances François Baroin sur la situation économique de la Grande-Bretagne. D’autres préfèrent une attaque détournée, camouflée. The Economist fait allusion aux leaders d’une Europe “chaotique”, en chute libre vers les Enfers : “its leaders need to do far more to establish a firewall between the damned and the purgatorial” .
A peine une période de réchauffement s’annonce-t-elle, amenée par la gestion commune de la crise libyenne, que se profilent de nouvelles tensions. Le choix fait par l’Inde d’acquérir des avions de combat français fabriqués par Dassault plutôt que par le britannique Typhoon a profondément contrarié David Cameron. Mais alors que ce dernier fait pression pour gagner le contrat avec l’Inde, aux dépens de la France, il profite de son passage à l’Elysée le 17 février pour confirmer son soutien au candidat Nicolas Sarkozy. Petite tape dans le dos et sourire en coin.
La presse britannique se gausse de ces retournements de situation. Elle s’en réjouit aussi car, on le sait, la sitcom politique fait vendre. Dans le Sunday Times, on s’amuse des revirements passionnels, du sempiternel “je t’aime moi non plus” dont se délecte le lectorat, avide des intrigues politiques générées par la crise européenne.
Il faut dire que la personnalité de Nicolas Sarkozy se prête si bien aux marivaudages : depuis 2007, ne se serait-il pas arrangé pour que sa vie amoureuse fasse la une de la presse internationale ? The Guardian, le 8 mars dernier, observe cette stratégie politique à la loupe dans sa rubrique “World News”. Carla Bruni est sans doute l’instrument de communication politique le plus efficace dans la campagne de Nicolas Sarkozy. A peine l’affaire du Fouquet’s refait-elle surface, que la première dame de France est de retour dans les journaux : elle et son mari sont des “gens simples” assure-t-elle. The Guardian reprend ces termes illustrés d’une photo du couple présidentiel lors d’un superbe voyage en Egypte, sur fond de pyramides. “Simple folks”, on rit sous cape.
C’est précisément l’image que Sarkozy veut imposer auprès du leader britannique : il l’appelle par son prénom puis lui tape dans le dos comme un vieil ami lors de la conférence de presse du 17 février. Mais cette attitude décomplexée n’a jamais pu arrondir les angles, du moins avec les britanniques.
En réalité, l’Entente cordiale est toujours la même. En dents de scie