Une énième version des grands thèmes de l’entreprise Michelin. Pas indispensable.

Michelin, un siècle de secrets (1982); Michelin et les hommes du pneu (1993); L’épopée Bibendum, une entreprise à l’épreuve de l’histoire (2002); Michelin et sa ville. Je t’aime moi non plus (2007). Cette sélection de titres d’ouvrages parus sur l’entreprise Michelin nous rappelle que la littérature sur le sujet est déjà abondante. Ces ouvrages adoptent des points de vue variés et souvent divergents sur la société, son mode de management ou ses dirigeants. Cependant, ils traitent invariablement des trois thèmes incontournables de la société Michelin: les produits (les pneumatiques), les hommes (Edouard, François, les ouvriers) et la ville (Clermont-Ferrand). Une interprétation de ces trois thèmes nous est proposée par Pierre-Antoine Donnet, journaliste à l’AFP, dans son ouvrage La Saga Michelin.

La première partie de l’ouvrage nous expose une variation sur ces trois thèmes. Elle est consacrée à dresser un panorama de l’histoire et du développement de l’entreprise. L’auteur détaille synthétiquement les grands événements de la vie de Michelin en organisant sa description par sujet. Ainsi un chapitre sera consacré au Bibendum, un autre au premier pneu démontable ou encore à l’entrée de Michelin dans la mondialisation. L’approche n’est pas historique et cela confère un vrai dynamisme à ce panorama. Les trois thèmes sont intelligemment mêlés et complétés d’informations qui agrémentent cette variation autour des produits, des hommes et de la ville. L’écriture est vive et pédagogique, l’auteur parvient à passionner le néophyte pour la découverte et la composition du pneu radial. Il décrit avec précision le processus d’innovation permanente qui existe toujours dans la société et qui a permis à Michelin de gagner une réputation solide dans la fabrication de pneumatiques pour tous les moyens de transport (vélo, auto, train, avion). Cette première partie est très bien menée.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’étude de la culture Michelin et de son développement international. L’auteur documente son travail grâce aux entretiens qu’il a mené auprès d’anciens cadres dirigeants de l’entreprise qui évoquent leurs souvenirs personnels, revenant sur leurs carrières chez Michelin. Cette idée est d’autant plus intéressante que le goût du secret au sein de l’entreprise n’a pas laissé beaucoup de place à ces discours non officiels. Nous apprenons que le paternalisme était réel (crèche, école, clinique, logements) mais qu’il avait un revers (interdiction des syndicats, police parallèle, prière maison). Les différents entretiens n’ont pourtant pas fait l’objet d’une synthèse ce qui nuit énormément à la forme de la deuxième partie. L’auteur livre un catalogue d’anecdotes d’intérêt très inégal sur la vie et le travail aux côtés de François Michelin. Ces entretiens illustrent certains aspects déjà bien détaillés dans la première partie de l’ouvrage. Les réponses des personnes interrogées ne permettent qu’une progression lente dans la connaissance de l’entreprise.

La dernière partie de l’ouvrage est consacrée au "clan Michelin". Les portraits se succèdent de manière linéaire. Les répétitions sont nombreuses et les deux premières parties ont souvent déjà traité les éléments décrits dans ces portraits. Les anecdotes sont utilisées une fois encore, mais cette fois-ci jusqu’à l’écœurement. Ainsi une même anecdote est reprise cinq fois dans cet ouvrage   , ce qui rend la dernière partie peu attrayante tant sur le fond que sur la forme. Les idées originales (interroger les cadres dirigeants) n’ont ainsi pas permis de mener une réflexion personnelle et nouvelle sur cette entreprise. Par ailleurs, certaines promesses de l’ouvrage, notamment de nous faire partager les enjeux futurs de l’entreprise, ne sont que partiellement tenues.


--
Crédit photo: www.flickr.com/ "Jaytor"