Dans un article synthétique, rédigé par Monique Sicard, se trouve exprimée une idée classique : " Au cœur du XIXe siècle, l'invention de la photographie (et avec elle, la substitution de la rapidité du coup d'œil à la lenteur et la maladresse de la main) bouleverse les relations entre l'art et la science. La complexité d'une invention qui est à la fois celle d'une chimie, d'une mécanique et d'une image met en confrontation des champs scientifiques et artistiques ayant soigneusement pris leurs distances depuis la querelle romantique. La nouvelle technologie force l'isolement des uns et des autres" . Et l’auteur d’ajouter : " Malgré l'affirmation progressive de la clôture des savoirs et l'institutionnalisation rapide de la science, toutes les conditions semblent réunies pour que naissent de nouvelles collaborations entre artistes et scientifiques. Elle voit se déployer trois possibilités : Soit que l'acte photographique ait constitué en lui-même une pratique scientifique dont l'image photographique n'est qu'un sous-produit ; soit que les photographies aient été réalisées d'emblée à l'intention des savants et des artistes ; soit que les travaux photographiques entrepris ne se soient finalement révélés que de peu d'utilité scientifique, les artistes académiques restant friands de guides anatomiques ".

Qu’en est-il de nos jours ? L’auteur propose quelques mots de conclusion qui nous sortent du XIX° siècle : " Aujourd’hui, les photographies réalisées à des fins scientifiques demeurent les lieux privilégiés de ces domaines flous. Qui peut affirmer que dans leur réalisation, n'interviennent ni volonté esthétique, ni prise en compte de la réception, ni désir de substituer la perception sensible et immédiate à l'analyse rationnelle ? Qui peut empêcher les artistes de les recevoir plus tard comme des concurrentes sur leurs propres terrains, jusqu'à en concevoir une jalousie secrète ? 
Le véritable enjeu de tout cela pourrait bien n'être ni l'art, ni la science, mais l'obscure soumission de la technique et du savoir-faire ; ni art, ni science, mais au service de l'un et de l'autre. Art et science ... et non science et art : que recèle la dissymétrie ? S'agit-il de cerner les intersections ? Faut-il se pencher sur ce qui appartient à l'un ou à l'autre, ce qui appartient à la fois à l'un et à l'autre ; ou, au contraire, sur les ruptures qui les désunissent ? "

L’auteur a bien raison de demeurer sceptique par différence avec les discours enchantés concernant cette question. Deux sites consultables aisément obligent à approfondir les enjeux ici précisés. Les deux sites proposent une méthode pour construire un appareil photographique capable de saisir les mouvements du soleil, en plein air, et sans obligation de tenir l’appareil . L’intérêt de ces appareils, fort simples à construire à partir d’une simple boîte en fer, est leur capacité à saisir le déroulement du temps, sans soumission à l’impatience du photographe. Bref, les appareils enregistrent dans la durée ce qui se trouve en face d’eux. Ils produisent alors des images fascinantes des mouvements face auxquels ils se trouvent. Qu’il s’agisse des mouvements humains (un appareil posé dans les lieux publics fréquentés) ou des mouvements solaires, les photos obtenues dépassent nos possibilités d’attention et de concentration. L’exposition peut durer 24 heures. Un projet encore plus long, dans le temps, vise à poster un tel appareil du 22 décembre au 20 juin (d’un solstice à l’autre) dans une région du monde. L’appareil peut enregistrer quelque chose durant 6 mois. Il existe, dans ce domaine, des " photographes " célèbres : Paolo Gioli (Italie) et Tarja Trygg (Finlande).

L’effet obtenu est aisément constatable dans les commentaires des " photographes ". Mais ils ne cessent de nous reconduire à la question posée par Monique Sicard : ce n’est pas parce que ces photos sont accueillies avec faveur par le public, par fascination, par admiration, qu’elles relèvent de l’art photographique. Il faudra revenir sur la question. Sont-elles pour autant scientifiques ? Ce serait à démontrer, surtout si la science consiste moins à voir qu’à comprendre