Gabriel Richard-Molard, militant du PS français à Berlin, est à l'initiative avec d'autres militants socialistes européens d'une charte européenne pour une social-démocratie engagée, traduite dans une douzaine de langues et soumise à la signature des militants. Rencontre.

www.eurosocialdemocrats.eu

 

Nonfiction.fr- Gabriel Richard-Molard, vous êtes un socialiste français à Berlin et vous venez d’initier avec d’autre un projet de « charte européenne pour une social-démocratie engagée ». Pouvez-vous présenter cette charte et l’objectif qu’elle poursuit ?

Gabriel Richard-Molard- La Charte est un compromis militant et un véhicule des idées. Nous avons travaillé initialement entre camarades belges, allemands, français, norvégiens, portugais et espagnols à un document militant sur lequel nous puissions tous nous retrouver. C'est-à-dire retrouver dans un document de campagne nos revendications principales ainsi que notre culture politique. Cela n'a pas toujours évident été étant donné les histoires propres à chacun des partis. Ce fut cependant une belle aventure et finalement un constat positif de voir à quel point nous pouvons nous retrouver sur des éléments aussi fondamentaux et très engagés comme l'Europe fédérale, l'Europe sociale et la création d'un espace public européen. Ce sont les trois revendications de la Charte, l'Europe fédérale et l'espace public européen étant les conditions sine qua non de l'émergence de cette Europe sociale que l'on appelle de nos vœux depuis plus de trente ans. Je parlais également de la Charte comme véhicule des idées. En effet, ce document, qui vise très concrètement à court terme à récolter 500 signatures de militants et de citoyens européens de gauche pour être admissible au vote du présidium du Parti socialiste européen (PSE)   , est un véhicule des idées militantes socialistes européennes. Il nous permet, pendant tout le temps que dure la campagne de compter les bonnes volontés et de se rassembler autour d'un projet très européen et très à gauche.

 

Nonfiction.fr- Vous êtes un militant du PSE. Comment voyez-vous le rôle des activistes du PSE ?

Gabriel Richard-Molard- Les activistes du PSE ont été très longtemps un peu comme le jaguar métallique à l'avant de la voiture du même nom. Nous étions la légitimation démocratique du parti, mais complètement inutiles dans le sens où nous n'avions aucune possibilité de nous faire entendre. Progressivement, congrès après congrès, nous avons réussi, d'une part, à faire remonter nos revendications et à passer du statut d'observateur groupie à celui d'acteur d'arrière plan. L'initiative, qui est le mécanisme de pétition que nous avons en interne, est à l'exemple de la Charte une belle réussite. Difficile à mener à terme puisqu'il faut les signatures de 500 militants enregistrés sur le site du PSE et cela de 15 Etats-membres, c'est tout de même une (r)évolution remarquable lorsque l'on connait la structure du PSE qui est d'abord une structure prise entre les partis nationaux. Cela démontre d'une prise de conscience aussi bien au national qu'au niveau européen et cela ne peut être que réjouissant et encourageant pour le Parti et l'action socialiste européenne dans les années à venir.

 

Nonfiction.fr- Vous étiez présent à la convention du Parti socialiste européen qui s’est tenue à Bruxelles les 24, 25 et 26 novembre derniers. Quel est le bilan de cette convention ?

Gabriel Richard-Molard- Toute convention du PSE est un pas en avant vers l'européanisation des partis européens. Je ne dis pas cela parce que je suis convaincu que le niveau européen est le meilleur niveau de gouvernance, je le dis puisque j'ai l'impression, comme de nombreux camarades, que nécessité fait loi et que tout le monde ressent la nécessité d'une réponse coordonnée de nos partis. Cette convention a été d'autant plus spéciale puisque c'était la première fois que j'entendais des prises de paroles vraiment très à gauche. C'est peut-être dans l'air du temps, mais je suis revenu très satisfait d'avoir entendu ce genre de propos, qui étaient encore tabous il y a quelques temps pour beaucoup de camarades européens. Donc pour livrer mon sentiment sur ces trois jours de débat et d'engagement politiques, je ne peux que me dire extrêmement satisfait.

 

Nonfiction.fr- L’Europe demeure un sujet peu présent dans la vie militante quotidienne du Parti socialiste français. Quelles sont les perspectives d’amélioration ?

Gabriel Richard-Molard- Je pense que le chantier est énorme. La Charte européenne telle qu'imaginée est là pour mettre fin à des décennies de carence en matière européenne. Nous sommes en effet arrivé à un niveau où l'Europe est considérée comme un joker politique, c'est-à-dire la bonne carte à tirer lorsqu'il faut montrer son meilleur visage, et à flinguer lorsque le monstre bruxellois veut éradiquer les coutumes de notre village d'Astérix (et cela naturellement sans rappeler le droit de veto de l'État français pour presque toutes les décisions européennes). Ce premier paradigme complètement schizophrène est à compléter avec le fait que le Parti ne comprend pas le caractère horizontal des politiques européennes et le fait que l'Europe ne concerne pas seulement les trois gentils camarades du PSE, mais bien tout le monde dans le sens où l'Europe est horizontalement présente dans toutes les politiques publiques. Ceci veut dire que nous devrions en fait ne parler que d'Europe, devenir concrètement européens et former les citoyens à ne pas craindre l'Europe, mais bien de les former à formuler et identifier les éléments de cette Europe alternative que nous souhaitons. C'est tout ce que nous tentons de faire dans notre charte européenne pour une sociale démocratie engagée ! Nous cherchons à former et à présenter un projet d'Europe alternatif à celui de la dictature financière organisée par la droite, où des dirigeants voyous, luttant pour leur classe, acceptent les choses comme elles sont et par lâcheté créent les conditions propices à l'émergence de nouveaux conflits. Plus que jamais, le Parti Socialiste doit endosser ici sa responsabilité historique et passer le cap européen.

 

Propos recueillis par Nicolas Leron.